Prévues le 13 août 2010, les cérémonies du cinquantenaire de l'indépendance de la République centrafricaine ont été finalement reportées comme nous vous l'avions annoncé au 1er décembre, jour de la proclamation de la République centrafricaine en 1958. Frappé par de nombreuses crises politico-militaires au cours des cinquante dernières années, le pays est en proie à d'énormes difficultés économiques.
Enclavée au cœur de l’Afrique centrale, la République centrafricaine est un trait d’union entre la zone sahélo-soudanienne et le Bassin du Congo d’une superficie de 622 980 km2, le pays forme un vaste plateau couvert de savane dont l’altitude varie de 600 à 900m. Depuis Bangui, la capitale, on gagne l’océan Atlantique par voie fluviale jusqu’à Brazzaville puis par chemin de fer jusqu’à Pointe-Noire (Congo), distante de 1 815km. Le pays est peu peuplé (4 422 000 habitants selon les statistiques de la Banque africaine de développement et les Nations unies), avec un taux de croissance annuelle de 2,2% pour 2008. Sa population est concentrée à l’ouest, laissant de vastes zones inhabitées, alors que près de 43% des Centrafricains vivent en milieu urbain, concentrés surtout à Bangui (620 000 habitants). Le groupe Banda et Gbaya-Mandja, au nord et à l’ouest, forme plus de la moitié de la population tandis que les Yakoma et les Sango, les «gens du fleuve», ont longtemps dominé une vie politique et économique marquée par l’influence française.
La colonie française de l’Oubangui-Chari est créée en 1903. Intégrée en 1910 à l’Afrique équatoriale française (AEF), elle est utilisée comme réservoir de main-d’œuvre. Travail forcé pour la cueillette du caoutchouc ou la construction du Congo-Océan, portage, épidémies, enrôlement dans les troupes coloniales, font périr la moitié de sa population entre 1890 et 1940.
50 ans de troubles politiques
Créée en 1958, la République centrafricaine a pour figure emblématique Barthélemy Boganda, mort dans un accident d’avion en 1959. Son successeur, David Dacko, proclame l’indépendance le 13 août 1960. Le lieutenant-colonel Jean-Bedel Bokassa s’empare du pouvoir le 31 décembre 1965 : président à vie, puis maréchal, il fait de la République un empire en 1977 et organise un sacre très médiatisé. Il est déposé en septembre 1979 lors de l’opération «Barracuda» menée par un contingent français
Remis en selle, David Dacko est élu en mars 1981, puis renversé en septembre par le général André Kolingba. En 1992, celui-ci est contraint d’accepter le multipartisme. Le 19 septembre 1993, Ange-Félix Patassé est élu au terme d’un processus électoral pluraliste, puis réélu en 1999 au premier tour d’un scrutin contesté.
Entre temps, le président Ange-Félix Patassé a essuyé trois mutineries entre 1996 et 1997. Les Accords de Bangui, en 1997, portent création d’une mission interafricaine de paix, remplacée en 1998 par une mission des Nations unies en République centrafricaine (MINURCA), réduite en 2000 à un bureau des Nations unies en Centrafrique (BONUCA).
La restructuration des forces armées (2 250 hommes) s’engage, mais plusieurs tentatives de putsch ont lieu en 2001, qu'Ange-Félix Patassé déjoue dans le sang avec l’aide des troupes libyennes et du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba.
Dans les jours qui suivent le coup d’Etat réussi de François Bozizé (15 mars 2003), l’envoi de 300 militaires français, aux côtés des forces de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), déployées depuis 2002, marque le retour de la France, quatre ans après la fermeture totale de ses bases.
Après une période de transition où le leader de l’opposition parlementaire, Abel Goumba (qui dirige le Front patriotique pour le progrès - FPP) devient chef de gouvernement, puis vice-président, avant d’être écarté, François Bozizé légitime sa prise de pouvoir à l’occasion de l'élection présidentielle qu’il remporte en mai 2005 avec 64,6% des voix. La coalition rassemblée pour le soutenir conquiert 42 sièges (sur 105) à l’Assemblée nationale.
Quelques mois après l’élection du président Bozizé, de nouveaux groupes rebelles voient le jour dans le Nord du pays. Dans le quart nord-ouest, l’APRD (l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie). Dans le quart nord-est, l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement). Birao, dans l’extrême est du pays, aux confins du Tchad et du Soudan est attaquée à reprises.
A deux reprises, l'armée française intervient pour stopper l’avancée rebelle.
Dans un rapport de 2007, l’organisation Human Rights Watch accuse les Forces armées centrafricaines d'avoir tué depuis mi-2005 des centaines de civils, incendié plus de 10 000 maisons et provoqué un exode massif dans le nord du pays, également en proie aux rebelles et aux coupeurs de route. Selon l’ONU, 200 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays (la plupart sont des villageois contraints de quitter les villages pour vivre en brousse, dans leur champ, sans eau, sans soin, sans école), 50 000 sont réfugiées dans les pays voisins, notamment au Tchad et au Cameroun.
Après plusieurs accords de cessez-le-feu séparés, est signé en juin 2008, à Libreville, un accord de paix global ente le gouvernement, les rebelles de l'APRD et de l'UFDR. Un autre groupe rebelle, le FDPC d’Abdoulaye Miskine, l’ancien bras armé d’Ange-Félix Patassé, refuse d’apposer sa signature sur le document. Cet accord ouvre la voie à l’ouverture en décembre 2008 à Bangui du dialogue politique inclusif. Pour l’occasion, l’ancien président Patassé rentre du Togo où il vivait en exil depuis le coup d’Etat du 15 mars 2003. Tous les groupes politico-militaires et les partis d’opposition participent à ce forum de la paix. Mais au-delà de la réaffirmation de quelques grands principes, ce rendez-vous n’aboutit à rien de très concret (voir le compte-rendu). Le programme de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) des ex-rebelles prend du retard.
Dans ce contexte, un nouveau groupe rebelle apparaît, la CPJP (Convention des patriotes pour la justice et la paix) dans la zone de Ndélé, dans le nord-est du pays. C’est Charles Massi, un ancien ministre du président François Bozizé, qui prend la tête du mouvement. Depuis la fin décembre 2009, il est porté disparu. Denise Massi, son épouse, affirme que Charles Massi a été torturé à mort par les autorités centrafricaines. Son mouvement, la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP), qui a attaqué Birao en juillet dernier, exige une preuve de vie de Bangui. Charles Massi aurait été arrêté en fin d’année dernière par des militaires tchadiens, avant d’être transféré en Centrafrique, ce que dément le président François Bozizé.
Autre difficulté, le sud-est du pays subit les attaques de la Lord Resistance Army (Armée de résistance du Seigneur). Les rebelles ougandais de la LRA sont présents sur le territoire centrafricain depuis 2008. Leurs multiples incursions dans les villages de ces régions ont causé la mort d'au moins 200 personnes et fait plusieurs milliers de déplacés. La LRA est particulièrement active dansdepuis le mois de février 2010. Devant les fréquentes attaques des rebelles de la LRA contre les régions du sud-est de la Centrafrique, les autorités locales ont appelé en avril les civils à s'organiser en milices d'autodéfense.
L'armée ougandaise intervient depuis juin 2009, dans le sud-est centrafricain pour traquer les rebelles de la LRA, avec l'autorisation de Bangui.
L’année 2010 devait être une année électorale avec une présidentielle et des législatives très attendues. Fixées tout d’abord au 25 avril, les élections ont été repoussées au 16 mai, ce qui n’a pas suffi à rassurer les opposants qui dénonçaient l’absence de garanties d’un scrutin transparent et libre. Après avoir fait modifier la constitution pour prolonger son mandat qui a expiré le 11 juin, le chef de l’Etat accède à la demande de ses détracteurs. Les élections se dérouleront le 23 janvier 2011, ainsi en a décidé le chef de l’Etat centrafricain.
Une économie ravagée
Pillages et insécurité ont ruiné l’économie du pays, qui ne manque pourtant pas d’atouts. Dans le secteur primaire, les quatre activités traditionnellement créatrices de richesse que sont le diamant, le bois, le coton et l’élevage (au Nord), sont sinistrées du fait de l’insécurité et de la mauvaise gouvernance. Or ce secteur contribue à 55% du PIB et environ 90% des exportations. La production de coton, qui a atteint 2 000 tonnes en 2008, a été divisée par six depuis 2005. Le bois industriel et le diamant, principales sources d’exportation, alimentent un trafic dont l’Etat n’est pas bénéficiaire. Avec un Revenu national brut (RNB) de 410 dollars par habitant (2008), le service de l’importante dette extérieure représentait 48,7% (2008) des ressources budgétaires du pays. Seuls les dons ponctuels des partenaires traditionnels permettent au pays de survivre, alors que l’Etat s’est montré longtemps incapable de payer ses fonctionnaires. Ballon d’oxygène pour le pays, en juillet 2009, la Centrafrique a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE en faveur des pays pauvres très endettés. Le FMI et la Banque mondiale approuvent un allégement de la dette multilatérale
Aujourd’hui, la Centrafrique est le quatrième pays le plus pauvre du monde selon l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). C’est le dixième pays au monde le plus infecté par le virus du Sida (le premier en Afrique centrale). En 2008, l’espérance de vie était estimée à 47 ans.
Les dates clé de la République centrafricaine
La République centrafricaine est née dans une dignité retrouvée et revendiquée par un leader charismatique, Barthélemy Boganda. Privé trop tôt de celui-ci, le jeune État entre dans une tempête de surenchères, de violences et de rivalités politiques.
1903 : L’Oubangui-Chari devient une colonie française qui est intégrée en 1910 à l’Afrique équatoriale française. Bangui est désignée comme capitale de la colonie en 1906. De tous les territoires de l’empire colonial français, l’Oubangui-Chari fut probablement celui qui connut la colonisation la plus brutale. Ce qui provoqua en 1928-1931, la révolte des Gbayas contre le recrutement forcé lors de la construction du chemin de fer Congo-Océan.
En 1938, Barthélemy Boganda est ordonné premier prêtre catholique de l’Oubangui-Chari. Le 10 novembre 1946, il est élu député de l’Oubangui-Chari à l’Assemblée nationale française.
28 septembre 1949 :Barthélemy Boganda fonde son propre parti, le Mouvement pour l’évolution sociale de l’Afrique noire (MESAN). Incarcéré en 1951 pendant deux mois et demi pour avoir organisé une action de protestation après l'assassinat d'un chef de village, il est réélu le 17 juin 1951 puis le 2 janvier 1956 aux législatives et reste député au palais Bourbon où il dénonce «la chicotte et les travaux forcés». Maire de Bangui le 18 novembre 1956, il devient en 1957 président du Grand Conseil de l'AEF, l’Afrique équatoriale Française.
1er décembre 1958 : Barthélemy Boganda proclame la naissance de la République centrafricaine. Son territoire est limité à l'Oubangui-Chari. Boganda en devient le président. Selon l'idée de Barthélemy Boganda, président du Grand Conseil de l'AEF, la République centrafricaine devait se constituer de quatre territoires : le Gabon, le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari et le Tchad, auxquels devait s'ajouter un territoire englobant le Cameroun, en passant par le Rwanda jusqu'en Angola. Se désolidarisant de la position du leader centrafricain, les trois territoires proclamèrent leur République le 2 novembre 1958.
Le 16 février 1959, l'Assemblée territoriale adopte une constitution démocratique. Mais le 29 mars, Barthélemy Boganda est tué dans un accident d'avion. Accident ou attentat ? Aujourd’hui encore la question se pose. Quoi qu’il en soit, Barthélemy Boganda reste pour les Centrafricains le père de l’Indépendance, le père de la Nation. David Dacko devient président.
13 août 1960 : David Decko proclame l'indépendance.
Il fera du MESAN en mai 1963 le parti unique du pays et se fera élire le 5 janvier 1964 avec 99,99% des voix, alors qu’il est seul candidat en lice.
31 décembre 1965 : David Dacko fête la nouvelle année chez son ami le député Samba, à 17km de Bangui. A 3h20 du matin, l'armée prend le contrôle de tous les points stratégiques de la capitale. David Dacko est arrêté par les militaires et passe le pouvoir au colonel Jean-Bédel Bokassa. C'est «le coup d'État de la Saint-Sylvestre». Sur les ondes de la radio nationale, le colonel Jean-Bedel Bokassa se déclare président de la République centrafricaine. Commencent alors les grands chantiers mais aussi la folie des grandeurs qui atteind son paroxysme le 4 décembre 1977 lorsque Jean-Bedel Bokassa s'autocouronne empereur de Centrafrique, après s'être autoproclamé président à vie (2 mars 1972) et maréchal (19 mais 1974).
En 1979, Jean-Bedel Bokossa décide d'imposer le port de l'uniforme à l'école alors que les fonctionnaires ne sont plus payés depuis trois mois. En janvier puis en avril, les élèves et étudiants se révoltent. La répression est sanglante. La chute de l'empire est annoncée.
1)- Son interview quelques jours avant son couronnement
20-21 septembre 1979 : Alors que l'empereur est en Libye, la France organise l'opération « Barracuda » à l'issue de laquelle Bokassa I est renversé. L'ancien président David Dacko est rétabli, la République centrafricaine restaurée.
Jean-Bedel Bokassa sera condamné à mort par contumace en 1980. Cela ne l’empêchera pas de revenir en RCA le 24 octobre 1986. Un deuxième procès s’ouvre en 1987 : Jean-Bedel Bokassa est condamné à mort mais sa peine est commuée en détention à perpétuité le 29 février 1988, puis à dix ans de réclusion. Le 1er août 1993, le président Kolingba amnistie Bokassa. Il est libéré. Jean-Bedel Bokassa meurt le 3 novembre 1996.
Le 15 mars 1981, David Dacko remporte l'élection présidentielle avec 50,23% des voix devant Ange-Félix Patassé, ancien Premier ministre de Jean-Bedel Bokassa, chef de l'opposition et leader du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MPLC).
1er septembre 1981 : David Dacko est renversé par le général André Kolingba qui instaure un Comité militaire de redressement national (CMRN). Les partis sont interdits. Ministre de la Défense sous Dacko, le général François Bozizé est nommé ministre des Communications.
3 mars 1982 : Tentative de coup d'Etat d'Ange-Félix Patassé. A la radio nationale, François Bozizé appelle l'armée à se soulever sans succès. C’est le fameux «coup d’Etat radiophonique». Quelques jours plus tard, Ange-Félix Patassé se réfugie à mobylette à l’ambassade de France déguisé en religieuse. Quant à François Bozizé, il fuit par le nord du pays, vers le Tchad. S'ensuivra une chasse aux sorcières et une véritable politique de terre brûlée dans cette région. Réfugié ensuite à Cotonou, François Bozizé sera extradé en 1989 puis emprisonné à Bangui. Acquitté, il ne sera libéré qu’en décembre 1991.
19 septembre 1993 : Après avoir instauré le multipartisme en 1991, le général André Kolingba est bien obligé de reconnaître sa défaite à la présidentielle. Le 22 août, le premier tour donne Ange-Félix Patassé en tête des suffrages (30 %), André Kolingba n’est qu'en quatrième position (avec 13 %). Le 28 août, le général Kolingba signe une ordonnance modifiant le code électoral dans le but d'invalider les élections. Mais les contestations de l'opposition et la suspension par la France de sa coopération poussent le chef de l’Etat à reconsidérer son aventurisme. Le 30 août, il annule ces ordonnances. Le 19 septembre, second tour des élections : Ange-Félix Patassé (38 %) est élu président de la République face à David Dacko (21 %) et Abel Goumba (20 %).
Le président Ange-Félix Patassé fait face en 1996-1997 à trois mutineries au sein de l'armée (les deux premières en avril et mai 1996, la troisième en novembre 1997), suite notamment au non paiement des arriérés de salaires. Ces mutineries donnent lieu à de violents affrontements à Bangui entre mutins et loyalistes, ce qui désorganise la vie politique, économique et sociale. Intervention militaire française pour soutenir le président Ange-Félix Patassé. Le 12 février 1997, une force interafricaine, la Mission d'intervention et de surveillance des accords de Bangui (MISAB), remplace l'intervention militaire française. Le 15 avril 1998, la Mission des Nations unies en République centrafricaine (MINURCA) prend le relais de la MISAB. Une force de 1 350 hommes est chargée de renforcer la sécurité et du maintien de l'ordre (jusqu’au 15 février 2000, date de son départ définitif). Une série de grèves paralyse le pays.
19 septembre 1999 : Ange-Félix Patassé est réélu pour 6 ans avec 51,6 % des voix. Son parti le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain remporte les législatives lors d'un scrutin contesté.
De novembre à avril 2001, les fonctionnaires qui cumulent les arriérés de salaires (jusqu’à 36 mois à la fin des années Patassé !) sont en grève.
28 mai 2001 : Une tentative de coup d'Etat échoue. Sur RFI, l’ancien président André Kolingba revendique le putsch depuis l’Ouganda où il vit en exil. La répression s’abat sur les Yacomah, l’ethnie d’André Kolingba.
En octobre 2001, François Bozizé, alors chef d’Etat-major du président Patassé, est accusé de tentative de coup d'Etat. Il se réfugie au Tchad où il organise une rébellion.
25 octobre 2002 : Les hommes du général Bozizé arrivent aux portes de Bangui. Ange-Félix Patassé fait appel aux combattants congolais de Jean-Pierre Bemba qui entament la reconquête du pays et se rendent coupables d’exactions sur la population civile. En décembre, la Communauté économique et monétaire des Etats d'Afrique centrale (CEMAC) décide le déploiement d'une force multinationale en Centrafrique, la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC), pour assurer un environnement sûr à la population et soutenir la formation des forces armées centrafricaines (FACA). La FOMUC compte environ 350 militaires de trois pays africains (Congo, Gabon et Tchad).
15 mars 2003 : Coup d'Etat du général François Bozizé. L'avion du président Ange-Félix Patassé, qui devait regagner Bangui en provenance de Niamey, est dérouté vers Yaoundé. Du Cameroun, Ange-Félix Patassé se réfugie au Togo. Le 16 mars 2003, le général Bozizé s'autoproclame "président de la République" par la voix de son porte-parole (lire le texte de l'allocution). Il annonce la suspension de la Constitution, la dissolution de l'Assemblée, le limogeage du gouvernement, ainsi qu'une transition consensuelle associant « toutes les forces vives de la nation ». La France déploie le détachement Boali, environ 300 militaires, en soutien de la FOMUC et des FACA.
Scènes de liesse à Bangui et de pillages. Le 23 mars, l’opposant Abel Goumba devient Premier ministre du gouvernement de transition.
En septembre et en octobre, le dialogue national est organisé à Bangui en l’absence d’Ange-Félix Patassé. Son parti et André Kolingba, de retour au pays, demandent « pardon au peuple centrafricain » pour les crimes commis sous leurs mandats. L’ancien président David Dacko demande lui aussi pardon. Il se réconcilie avec son rival de toujours, Abel Goumba.
3 janvier 2005 : Le procureur de la Cour pénale internationale annonce qu’il est saisi par la République centrafricaine d’une enquête pour les graves crimes commis sur son territoire par les partisans de Patassé (le Congolais Jean-Pierre Bemba est actuellement détenu à la CPI sur ces charges).
Le 8 mai, le général François Bozizé est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle avec 64,6% des voix. Mais quelques mois après, de nouveaux groupes rebelles se forment. D’abord dans le quart nord-ouest avec les premières attaquent de l’APRD (l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD) puis, en 2006, dans le quart nord-est, avec l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) qui attaquent à deux reprises la ville de Birao. L'armée française intervient à deux reprises (en novembre 2006 et mars 2007) pour suppléer les forces armées.
L’organisation Human Rights Watch publie un rapport accablant pour le régime, sur les exactions des FACA, les forces armées centrafricaines, accusant l’armée d'avoir tué depuis mi-2005 des centaines de civils, incendié plus de 10 000 maisons et provoqué un exode massif dans le nord du pays, également en proie aux rebelles et aux coupeurs de route.
21 juin 2008 : A Libreville, signature d'un accord de paix global ente le gouvernement, les rebelles de l'APRD et de l'UFDR. Un autre groupe rebelle, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine qui avait pourtant signé un accord de cessez-le-feu, refuse d’apposer sa signature sur le document. Le 12 juillet 2008, la force multinationale de la FOMUC devient la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX), armée par 550 hommes originaires de quatre pays (Cameroun, Congo, Gabon et Tchad).
En septembre, une amnistie est décrétée pour les crimes depuis 1999.
Du 1er au 20 décembre à Bangui, se tient le dialogue politique inclusif en présence de l’ancien président Patassé rentré d’exil pour l’occasion. Tous les groupes poltico-militaires et les partis d’opposition participent à ce forum de la paix (voir le compte-rendu). Alors que le programme de désarmement des ex-rebelles prend du retard, un nouveau groupe rebelle apparaît, la CPJP (Convention des patriotes pour la justice et la paix) dans la zone de Ndélé, dans le Nord-est du pays. Charles Massi, un ancien ministre du président Bozizé devenu chef rebelle, prend la direction du mouvement.
16 janvier 2010 : Denise Massi, l'épouse de Charles Massi, affirme que l'ancien allié du général Bozizé a été torturé à mort par les autorités centrafricaines. Son mouvement, la CPJP, exige une preuve de vie de Bangui. Charles Massi aurait été arrêté par des militaires tchadiens avant d'être transféré en République centrafricaine. Ce que dément le président François Bozizé.
Les élections présidentielle et législatives qui devaient initialement se tenir le 25 avril, sont repoussées au 16 mai, puis reportées une seconde fois, sine die. L'opposition qui estimait que les conditions d’une élection libre et transparente n’étaient pas réunies, avaient refusé de déposer ses dossiers de candidature. A la suite du deuxième renvoi, une loi constitutionnelle prorogeant le mandat du président Bozizé - qui a expiré le 11 juin - et celui des députés est promulguée.
Le 30 juillet, le chef de l’Etat François Bozizé, fixe par décret la date des élections présidentielle et législatives au 23 janvier 2011.
Ce que pensent les Centrafricains
L'abbé Joseph-Marie Ngoui-Akandji, 82 ans, fut l'élève puis le compagnon de Barthélémy Boganda, premier président de la république centrafricaine de même que Michel Adama Tamboux qui fut aussi le premier président de l'Assemblée nationale centrafricaine. C'est à leurs souvenirs que RFI fait appel à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de leur pays.
Abbé Joseph-Marie Ngoui-Akandji : «Nous n'avons pas eu le temps de nous attacher au développement».
RFI : Où étiez-vous lors de la proclamation de l'indépendance ?
Abbé Joseph-Marie Ngoui-Akandji : Le 13 août 1960, j’étais à Bangui, au palais de la Renaissance. C’est là qu’il y avait les deux drapeaux. Le mât du drapeau français et le mât du drapeau centrafricain. À un moment donné quand l’ordre a été donné, le signal a été donné, le drapeau français descendait. Ensuite en même temps, le drapeau centrafricain montait, c’est ça qui me restait dans la tête. C’est dire que la France descend et la Centrafrique monte. C’était ça l’image et dans la foule, j’ai vu des gens qui pleuraient. Ce qui a fait plaisir, c’est que dans ce pays, on n’a pas vu l’indépendance dans le bain de sang. Ca se passait dans l’amitié, dans la joie. C’était une passation de service plutôt qu’une lutte pour avoir l’indépendance, et ça m’a plu. Et c’est ce que voulait aussi Barthélemy Boganda, le fondateur de ce pays.
RFI : Qu’est-ce que vous gagnez avec cette montée du drapeau centrafricain à ce moment-là ?
J-M. NA : La liberté. Quand on dit «colonisation», il y a en-dessous, la domination. C’est-à-dire, il y avait certaines actions, certaines manières, certains comportements. Quand on parle, par exemple, la chicote…Chicoter les gens. Mais c’était fort ! Souvent quand on chicotait, ça laisse des traces ! La blessure ! Les gens travaillaient dur. Du matin jusqu’au soir, il étaient exploités. Et c’était vraiment terrible pour les gens. Même chose quand on exigeait l’impôt, surtout quand tu ne payais pas, on chicotait. C’était l’image du colon. Je crois que c’était aussi cette image-là qu’on voulait peut-être éliminer aussi. Je pense quand on parle d’indépendance, les gens qui souffraient beaucoup pensaient tout de suite à çà, la libération de ces travaux forcés. Quand Boganda lui-même voulait parler, quand il était député à l’Assemblée nationale de France, au palais Bourbon, il n’a pas manqué de souligner cela, quand il parlait aux députés français qu’il souhaitait que la chicote puisse vraiment s’en aller. Il en parlait, hein !
RFI : Ce que vous avez gagné c’est cette liberté ?
J-M. NA : La liberté. Mais cette liberté… est-ce que nous l’avons… Est-ce qu’on l’utilise bien ? C’est ça. Parce que ce n’était pas tout. Parce qu’après… après il fallait travailler pour se hisser à la hauteur de pays développé.
RFI : La mort de Barthélemy Boganda, c’est un drame pour ce pays ?
J-M. NA : Un grand drame, un grand drame ! Parce qu’il avait de très belles idées. Il voulait que le peuple centrafricain puisse se développer en travaillant. C’était la devise du MESAN : unité, dignité, travail. Alors, c’est ce travail…. Nous sommes en retard sur les autres. Il faut le dire. Pour dignité, ça manque beaucoup. Je crois que l’on peut le [Barthélemy Boganda. NDLR] considérer comme le grand leader, celui qui a poussé, qui a poussé. Il parcourait le pays, il haranguait. C’était vraiment un philosophe en même temps ! Un orateur éloquent qui savait soulever le peuple pour le bien… pour le bien…
RFI : On dit souvent en République centrafricaine que l’histoire de la Centrafrique depuis cet accident de Barthélemy Boganda a pris un mauvais départ.
J-M. NA : Mauvais départ, oui. Nous regrettons. Le peuple regrette beaucoup la mort de Boganda. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait pas encore achevé son œuvre, ce qu’il voulait. Il avait beaucoup de belles idées. C’est-à-dire, nous avons vraiment perdu la tête… Tout ce qu’il avait dans la tête pour ce pays. Les successeurs n’ont pas eu la même conception pour le développement de ce pays. Si Boganda avait survécu, on ne serait pas là. Peut-être que Bokassa non plus. Le pays se serait développé autrement, dans la paix, dans l’unité puisque lui, il aimait l’unité. Il avait une autre vision.
RFI : Et cette vision s’est brisée ?
J-M. NA : Ca s’est brisé parce que ceux qui sont venus après n’ont pas eu la même philosophie. Il y a eu des divisions et finalement, vous avez vu comment on a terminé après David Dacko, Jean-Bédel Bokassa, etc jusqu’à changer le nom de République pour devenir Empire. Ce n’était pas ça l’idéal de Boganda !
RFI : Et aujourd’hui alors, 50 ans après ?
J-M. NA : Je crois que la faiblesse de ces pays, ce sont les coups d’État, les mutineries répétées. Parce que nous sommes vraiment en retard !
RFI : Qu’est-ce qu’on a fait de ces 50 ans ?
J-M. NA : Ah oui (rires).. On aurait pu faire plus si on avait eu la paix, malheureusement, il y a eu beaucoup de petites querelles intestines. Ensuite, surtout les mutineries qui ont affaibli ce pays. Si vous parcourez l’Afrique, si vous allez à Brazzaville, à Yaoundé, à Libreville, vous revenez à Bangui, vous allez dire que nous sommes un peu en retard, même trop en retard. Je suis comme vous ! Je suis l’un des plus vieux de ce pays, mais moi aussi, personnellement j’ai honte. Quand je vais à Brazzaville, Libreville, Yaoundé et que je reviens à Bangui… j’ai honte ! Je vois que mon pays, ma ville, ma ville natale, Bangui-la-Coquette n’est pas vraiment la Coquette ! Les infrastructures routières manquent et puis le commerce, et tout le reste, les écoles, les hôpitaux, tout cela ! On peut dire que nous sommes en retard. Il ne faut pas avoir honte de le dire, madame !
RFI : Les gens meurent…
J-M. NA : Beaucoup, madame, beaucoup meurent ! Beaucoup. Beaucoup. Je préfère dire la vérité. Soyons objectifs ! «C’est la vérité qui nous rend libres» dit l’Evangile. Nous sommes en retard. Beaucoup de gens meurent parce que nous n’avons pas eu le temps de nous attacher au développement. On a fait que lutter, lutter, avec des armes. Et toutes les armes ne sont pas encore ramassées. Il y a des armes, plein, plein dans la brousse ! Il y en a encore qui ont des armes dans leurs maisons en brousse. C’est ce qui permet aux braqueurs d’arrêter les voyageurs, les coupeurs de route ! Tout cela n’est pas flatteur. Ce n’est pas gai. Et je me demande qu’est-ce que nous fêtons pour les 50 ans. Nous avons encore beaucoup à faire.
Michel Adama Tamboux : «Il faut faire prendre à cette indépendance, une autre physionomie»
FI : Barthélemy Boganda a proclamé la République centrafricaine le 1er décembre 1958 mais il meurt dans un accident d'avion en 1959. Il n'est donc pas là le 13 août 1960, jour de l'indépendance. Pourtant, pour les Centrafricains, c'est lui, le père de la nation, le père de l'indépendance.
Michel Adama Tamboux : C’est bien Barthélemy Boganda qui reste le père de cette indépendance et le président fondateur de notre pays. Boganda, avec le MESAN qu’il a créé en 1950 a mené une lutte pacifique pour cette indépendance en communion d’idée avec la France. Il vivait avec l’idée de faire sortir ce pays de la misère. Il insistait beaucoup sur la dignité de l’homme noir. La dignité c’est le mot clé de notre hymne national. Boganda était celui-là.
RFI : Sa mort, c’est comme une boussole qui s’est brisée ?
M.AT. : Boganda a disparu brutalement dans cet accident d’avion du 29 mars 1959. Il est parti très tôt. Tout l’espoir se trouve brisé, c’est comme une boussole, un phare ! Tout est brisé. Tout est disparu.
RFI : C’est la théorie du mauvais départ en Centrafrique ?
M.AT.: Si Boganda n’était pas mort, on n’en serait sans doute pas là aujourd’hui où nous sommes. Est-ce un simple accident d’avion ou un attentat ? On n’en saura jamais rien. C’est comme un mystère. Et Barthélemy Boganda reste pour nous un mythe. Le mythe est que Boganda n’est pas mort et reviendra.
RFI : Ensuite c’est David Dacko, son successeur, qui a proclamé l’indépendance. Qu’est-ce que le mot « indépendance » signifiait pour vous, Centrafricains ?
M. AT : C’était un moment de liesse, de grande joie. Merci à la France de nous avoir donné, de nous avoir accordé notre indépendance.
RFI : Quelle image gardez-vous de ce jour ?
M. AT : C’est un moment de liesse. Je dirais tout simplement qu’il restait gravé dans ma mémoire.
RFI : Que gagnait la Centrafrique dans cette indépendance ?
M. AT : Une liberté que je n’arriverai pas à qualifier jusqu’à présent, nouvelle ? La fin des corvées, la fin de la chicote… Le commencement de la dignité de l’homme noir, etc … dans tous les esprits centrafricains.
RFI : Une émancipation ? Une libération ?
M. AT : Une libération de tous ces mots-là. Etre libérés, ne plus avoir de chicote. Il n’y aura plus de travail forcé. L’homme noir va commencer à être respecté. Voilà ce que cela signifiait dans la tête du Centrafricain de l’époque.
RFI : Cinquante ans après, qu’est-ce qui reste de cet optimisme ?
M. AT : Aujourd’hui, la situation paraît insoutenable aux Centrafricains. Ils ne mangent pas à leur faim. Ils ne peuvent pas payer les fournitures pour l’école à leurs enfants. Les soins médicaux, ils ne peuvent pas les assurer comme il faut. Les pharmacies, les produits pharmaceutiques sont très chers. C’est ça le changement, qui risque de décourager le Centrafricain.
RFI : L’espérance de vie est tombée à moins de 40 ans ?
M. AT : Il faut redoubler d’efforts. On peut réussir. Il faut faire prendre à cette indépendance une autre physionomie qui corresponde à la vie, à la nature du Centrafricain.
RFI : Qu’a fait la Centrafrique de son indépendance ?
M. AT : Si l’on regarde en arrière, on voit ce que les Centrafricains ont vu, que le monde entier a vu, de Bokassa, les élucubrations, le couronnement de l’empereur et les manifestations des enfants qui ont perdu la vie pour le maintien du pouvoir que l’on sait. Et je le disais, les batailles, les querelles militaro-politiques. Il y a eu également beaucoup de gaspillage qui aurait pu servir pour faire pour l’émancipation de ce pays. Il y a eu des coups d’Etat, des mutineries militaires… qui ont fait des morts aussi ! Tout ça est à déplorer. Les malheurs, les pleurs, tout… Mais tout ça, on peut le rattraper.
RFI : Vous posez-vous la question «Pourquoi en est-on là aujourd’hui» ?
M. AT : Oui. On a tout pour être heureux dans notre pays. Le hic c’est que l’on n’a pas mis à profit toutes ces richesses pour le développement et l’épanouissement du pays dans l’intérêt du peuple centrafricain. Comment y arriver ? Il faut trouver la solution. Il faut que chacun y mette du sien.
RFI : Pour vous ce cinquantenaire est placé sous le signe de la recontruction ?
M. AT : La réflexion générale… Passer au peigne fin tout ce qui ne va pas. Trouver des idées nouvelles, repartir à zéro pour reconstruire notre pays sur une base solide avec une forte volonté politique. On peut réussir.
Les frasques de Bokassa : Morceaux choisis
Satür Le Fur
Source :Rfi.fr, Les 100 clés de l'Afrique. Philippe Leymarie et Thierry Perret. Co-édition Hachette Littératures/RFI. 2006.