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7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 22:08

 

Dans un plaidoyer publié sur le site panafricain "Afrik.com", Daby Pouyé, Professeur de marketing et Président de La Parisienne de l’African Dream Patchwork appelle à la création d’un ministère africain chargé du patrimoine. Appréciez sa vision du développement de l'Afrique.  

 

mrpouye.jpgSteve Biko, leader Sud Africain contre l’apartheid et fondateur du Black consciousness movement (Mouvement de conscience noire) pensait à juste titre « qu’il ne peut y avoir de Libération physique sans une Libération psychologique ». Si on recontextualise aujourd’hui sa pensée, on pourra sans trop nous tromper dire que le développement de l’Afrique ne passera ni par une aide ni par une assistance occidentale mais uniquement et avant tout par la volonté des africains. Il ne peut y avoir de développement anhistorique.

L’un des drames aujourd’hui en Afrique est constitué par l’adoption de l’anglais, du français ou encore de l’espagnol ou du portugais comme langues nationales pour ne citer que les principales et cela, au détriment de nos langues ancestrales. Or, au-delà de sa dimension descriptive, nous connaissons tous la force performative de la langue. La langue ne décrit pas uniquement le monde, elle fait le monde, elle le transforme, elle le modifie.

Sur le plan empirique, la conséquence de tout cela est l’adoption de codes, us et coutumes occidentaux et son corollaire, la négligence des richesses africaines. Les principales marques utilisées en Afrique, les principaux produits en Afrique sont tous occidentaux.

La nécessité de « penser africain pour panser l’Afrique » est plus que d’actualité. En effet, la volonté de certains de réduire l’histoire de l’Afrique à la colonisation et le manque de volonté politique pour riposter de la manière la plus efficace possible nous amène aujourd’hui à entendre de la bouche de certains hommes politiques occidentaux des « bienfaits de la colonisation » et cela, sans aucune conséquence pour ces derniers. Quel homme politique occidental ose aujourd’hui parler des bienfaits de la shoah, des bienfaits du fascisme ou encore du nazisme sans mettre en péril sa carrière politique et sans s’attirer les foudres des grandes institutions internationales ? Même si les chiffres sont encore sujets à controverse, la colonisation africaine a eu comme conséquence directe une perte en vie humaine estimée à plus de 41 millions de morts, soit presque 4 fois la population sénégalaise. Peut-on parler dans ce cas des « bienfaits supposés de la colonisation » ? Je vous laisse le choix d’en juger.

Sur le plan pratique, cette volonté de limiter l’histoire de l’Afrique à la colonisation se manifeste par la multiplication des discours sur l’immigration et récemment sur la peine qu’on devra infliger aux français d’origine étrangère commettant une infraction et cela aux mépris des règles élémentaires du droit international. Qui a dit « deux poids deux mesures ? »

Cette situation est-elle irréversible ? Non. Faut-il pour autant abandonner ces langues étrangères ? Bien entendu non. Par contre, il est d’une part urgent de développer et conforter nos langues nationales tout en incitant d’autre part nos intellectuels africains à penser africain et citer avec fierté nos ancêtres. Et même si notre civilisation est en partie orale, les ressources existent. Il suffit d’en être conscient et de les développer. Il ne s’agit pas de nier les écrits d’auteurs occidentaux, il s’agit tout simplement de valoriser aussi le patrimoine historique africain. « Wolof N’Diaye disait : avant de savoir où on va, il faut d’abord savoir d’où on vient. ». Citer Koth Barma, montrer que l’Afrique est le continent « inventeur des droits de l’Homme », parler de Chaka Zoulou, de Soundiata Kéita et j’en passe, ce n’est ni plus ni moins que permettre aux africains de s’appuyer sur leur propre histoire comme fondement pour assoir durablement leur développement.

L’Afrique doit et va entrer dans le siècle naissant avec force et vigueur. Et au-delà des mots, sa participation ne se fera que si elle s’appuie sur les richesses africaines. Il s’agit donc de penser Afrique, valoriser l’Afrique, créer et développer les richesses africaines afin d’en faire des produits avec une valeur internationalement reconnue.

Penser Afrique au sens large et universel du terme sans aucun sectarisme bien entendu, c’est être conscient que sa principale force est dans son histoire, une histoire qui a existé bien avant la colonisation. C’est la seule voix possible pour panser l’Afrique.

Aujourd’hui le programme de tout président et futur président africain doit contenir ces deux propositions incontournables qui sont d’une part la mise en place des conditions pour la création d’un supra ministère africain de la culture et du patrimoine dont l’objectif est de rassembler ce qui est épars et d’aller vers la préservation et le renforcement d’une conscience et d’une histoire communes et d’autre part la création d’un supra ministère de l’initiative privée et de l’économie ayant pour objectif d’harmoniser les différentes initiatives locales et développer la richesse du continent en facilitant la création de grands groupes africains capables de se positionner avec force et efficacité dans la scène économique internationale. L’Afrique n’est ni anglophone, ni francophone encore moins lusophone et j’en passe. L’Afrique est africaine. Notre diversité est notre richesse. Développons-la. Préservons-la. C’est l’enjeu de notre développement. C’est l’un des défis du 21ème siècle.

Aujourd’hui plus que jamais il ne s’agit pas de déconstruire pour reconstruire mais d’enlever le voile afin de permettre à l’Afrique de montrer son vrai visage et aux africains qui n’ont jamais cessé de prendre leur destin en main, de faire connaitre à leur descendance leur vrai talent. C’est la voie d’une démarche d’ouverture. Montrer au monde mais surtout aux enfants d’Afrique qu’au « RDV du Donné et du Recevoir de ce que d’aucuns appellent la Civilisation Universelle et que certains appellent hâtivement la Civilisation Occidentale non pas sans arrière pensée dominatrice, l’Afrique a donné sa part...et quelle part. ».


Daby Pouyé, Professeur de marketing, Président de La Parisienne de l’African Dream Patchwork (Lapadp)

lundi 30 août 2010 / par Daby Pouye, pour l'autre afrik

Source : Afrik.com

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29 août 2010 7 29 /08 /août /2010 08:01

1973013-2718851.jpg

L'histoire nous enseigne qu’entre le 1er Janvier et le 31 Décembre 1960, 17 pays d’Afrique subsaharienne (ASS), dont 14 anciennes colonies françaises, accédaient à la souveraineté nationale et internationale. Evidemment cela fait cinquante ans, qu’ils sont théoriquement libres. Pour ne pas démentir la légende qui veut que les africains aient un faible pour les festivités, ils n’ont pas manqué cette occasion pour  danser et festoyer.

 

Seraphin-Yao.jpgLes africains veulent considérer ce cinquantenaire comme l’an zéro de l’Afrique libre. C’est dans ce cadre que des journées de réflexions ont été organisées pour trouver les remèdes au mal africain : son retard en matière de développement. La Côte d’Ivoire n’a pas manqué à l’appel.
Si le cinquantenaire des indépendances doit être considéré comme l’année zéro pour les africains, alors, on peut le dire sans se tromper que ceux de la zone franc sont mal repartis et n’ont encore rien compris.
En effet, lors du colloque international sur le cinquantenaire de l’indépendance et ses perspectives en Afrique subsaharienne, qui s’est tenu à la Fondation Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix, à Yamoussoukro, le 3 août 2010, le Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’Ivoirien Philippe DACOURY-TABLEY, a en substance plaidé en faveur du maintien du Franc CFA. Pour le gouverneur, il ne s’agit pas d’avoir une monnaie.
"Tout le monde peut le faire. Mais, si c’est pour faire et s’asseoir à côté, ça ne sert à rien", a-t-il fait remarquer. Pour le banquier, il faut plutôt dépassionner la question et "rendre nos économies indépendantes"
Lorsqu’il évoquait "l’indépendance du drapeau", le leader indépendantiste tanzanien Julius NYÉRÉRÉ voulait faire comprendre que la véritable indépendance ne réside pas uniquement dans ses attributs extérieurs. Pour être effective, elle ne peut se contenter d’être diplomatique. Elle doit aller au-delà, pour se manifester dans tous les domaines de la vie d’un pays, le politique et administratif, l’économique et le financier, le culturel enfin.

L’objet de cet article est de dire sans détour que la conquête de l’indépendance passe nécessairement par celle de la souveraineté monétaire. La littérature sur le sujet est dense (AGBOHOU Nicolas, 1999 ; TIANI KEOU François, 2002 ; HUGON, 1999 ; TCHUNDJANG POUENI, 1980 etc...).
Il s’agit ici de déférer à la barre de la "raison" comme à la barre de la "conscience", l’élite bourgeoise africaine qui peine à comprendre ce que les autres savent déjà : la monnaie est à la fois un instrument de développement et de domination.

IL FAUDRA REPONDRE A L’INNOCENTE QUESTION INITIALE : LE FRANC CFA EST-IL DEFENDABLE ?

Billet-de-1000.jpgNous trouvons ici comme prétexte, une réponse au gouverneur de la BCEAO, Philippe DACOURY-TABLEY, pour apporter des éclairages sur le concept mal connu qu’est la monnaie.
Ce que notre étude apporte c’est la dimension sociale de la monnaie qui vient convaincre définitivement que si les africains veulent une identité économique, ils doivent battre leur propre monnaie.
Nous commençons par revenir sur la définition de la monnaie car il nous semble utile de poser le problème de fond : celui de la nature de la monnaie.
Ensuite, on pourra montrer pourquoi, le Franc CFA doit disparaître si nous aspirons à l’indépendance et au développement. Ce sera le lieu de rappeler que les pays africains en général et ceux de la Zone Franc, en particulier, doivent s’affranchir de la tutelle française pour penser réellement leur développement.

QU’EST-CE QUE LA MONNAIE ?

1913673895D’ordinaire, les manuels d’économie définissent rapidement la monnaie comme un bien économique remplissant trois fonctions : une fonction d’unité de compte, une fonction d’intermédiaire des échanges, une fonction de réserve de valeur.
Respectivement, la monnaie permet d’exprimer en une seule et même unité la valeur des biens et services échangés, éliminer les contraintes liées au troc de marchandises et constituer un lien entre le présent et l’avenir.
Une telle définition présente des limites. On peut citer au moins deux inconvénients majeurs :
elle ne hiérarchise pas les différentes fonctions et sous-estime donc le problème de savoir où se situe la limite entre ce qui est de la monnaie et ce qui n’en est pas. Ainsi, si l’on considère que la principale fonction de la monnaie est d’être une réserve de valeur, on constate que de nombreux objets tels que des timbres, des tableaux peuvent servir de réserve de valeur sans être pour autant une monnaie. L’approche fonctionnelle est trop limitative, puisqu’elle ne prend pas en compte la nature de la monnaie qui est d’ordre social.
Délaissons à jamais l’approche fonctionnelle de la monnaie pour nous concentrer maintenant sur les approches vivifiantes.

La monnaie peut alors être considérée comme un lien social essentiel, c'est à dire un "objet" liant entre eux des Franc_CFA_billet_3.jpgindividus hétérogènes afin d'en faire une société. Il est admis par un grand nombre d’économistes, depuis les écrits d'Adam SMITH et la naissance de l'économie en tant que discipline autonome, que le marché était généralement considéré comme le seul lien nécessaire pour réunir en une société des individus par ailleurs isolés.
Mais La publication par Karl MARX du livre premier du Capital en 1867 va constituer une rupture très nette avec l'économie politique classique en ce qui concerne la théorie monétaire.
Selon Karl MARX, derrière la circulation des marchandises, il existe toujours des rapports sociaux. La valeur est en effet un rapport social de production qui revêt la forme d'un objet obtenu à partir de travail. Pour aller vite, disons que la monnaie dans la pensé de Karl MARX a un caractère double puisqu'elle est à la fois une marchandise et l'expression d'une relation sociale.
Or, le rôle de convention sociale de la monnaie s'accommode mal du statut de marchandise qu'il cherche à lui donner.
Comme par miracle, c’est un autre auteur allemand, Georg SIMMEL, qui, dans sa Philosophie de l'argent, va s’émanciper du concept de monnaie marchandise. L'échange monétaire peut en effet être considéré comme une socialisation, c'est à dire "l'une de ces relations dont la présence transforme une somme d'individus en un groupe social".
Pour former un lien social, il est nécessaire de passer par la médiation de l'instance collective que représente l'institution monétaire. C'est ce qui se passe, d'après SIMMEL, lors de l'extension de la sphère des échanges. Selon FEMENIAS (2008), pour SIMMEL, c'est donc bien la communauté dans son ensemble qui garantit que la monnaie soit acceptée aujourd'hui et dans l'avenir en règlement des échanges.
Dans le même ton, Michel AGLIETTA et André ORLÉAN dans La violence de la monnaie, ont de façon savante, démontré la dimension sociale de la monnaie. La monnaie est vue comme le moyen de canalisation de la violence censée caractériser tout ordre social. La socialité n'est possible qu’après un processus de socialisation dans lequel l'institution monétaire joue un rôle essentiel. Elle permet ainsi la conciliation de deux contraires : l'affirmation de l'autorité souveraine et celle d'une liberté personnelle, individuelle.
La forme générale de socialisation que constitue l’échange représente la forme sui generis du lien social. C’est l’adhésion de tous à la monnaie en tant que forme "socialement reconnue et légitimée de la richesse" (AGLIETTA et ORLÉAN, 2002, 67) qui confère son statut à la monnaie.
Comme l’État est porteur d’un projet d’unification politique et qu’il en a les moyens, il joue un rôle qui peut être déterminant pour conduire le processus monétaire jusqu’à sa réussite, en particulier en tant qu’il possède la légitimité permettant d’affronter les puissants antagonismes d’intérêt politique que la définition de la monnaie ne peut manquer de faire naître.
L’indépendance est aussi l’occasion de rétablir les symboles nationaux d’avant la guerre et de jeter les bases d’une restauration monétaire.
Franc_CFA_billet_2.jpgLa monnaie est sans aucun doute une expression de la souveraineté d’un pays. La monnaie joue un rôle dans l’ensemble des processus et des relations par lesquels une communauté se constitue en autorité souveraine.
On peut citer l’exemple du cens à Rome. La société romaine met en place, dès le 6e siècle av. J.-C., le cens, une sorte d’état civil d'état. Sous la monarchie romaine, existaient deux classes principales, les nobles et le peuple (populus), outre les esclaves et les non-citoyens. Après l'instauration de la République, la société romaine se définissait elle-même comme une société d'ordres (ordines) implacablement stratifiée. L’évaluation en monnaie y apparaît au centre d’un dispositif qui établit la citoyenneté et assigne à chaque citoyen une place au sein de la hiérarchie sociale. Finalement, le census marque solennellement la limite entre les citoyens et ceux qui ne le sont pas.
Enfin, exposons rapidement, l’approche de la monnaie comme système de paiement. Celle-ci explique que la monnaie doit être analysée comme point de départ obligé de la théorie du marché plutôt que comme un simple objet économique.
La monnaie est ainsi considérée comme une institution, un ensemble de règles d’emblée sociales. Pour CARTELIER, "la monnaie, ou système de paiement, est l’institution qui rend possible la coordination des actions économiques des individus".
L’approche de CARTELIER est différente de celle exposée plus haut, faisant de la monnaie, une canalisation de la violence. Selon CARTELIER, la monnaie n’est qu’un des résultats possibles du processus de canalisation de la violence. Ainsi, la loi ou le sacré constituent autant de solutions alternatives.

 

POURQUOI LE FRANC CFA DOIT DISPARAÎTRE ?

Nous avons pris soin de rappeler dans notre introduction que les pays africains sont logiquement indépendants depuis 50 ans. Pourtant, ils sont aujourd’hui encore nourris au "lait" de la France. Que le lecteur m’accorde la faveur de dire que notre continent ne se développera que lorsqu’il sera en amont et en aval de ses stratégies de développement.
WAS311C-copie-1.JPGLa parité fixe. Un nombre croissant de monnaies vernaculaires se rattachent à des monnaies véhiculaires (Bourguinat) qui permettent l'acceptabilité, la liquidité et la stabilité permettant la prédictibilité.
Les francs CFA sont ainsi rattachés au franc français par une parité fixe (éventuellement ajustable). Deux régimes de taux de change sont possibles : le taux de change flexible et le taux de change fixe.
La réflexion n’a pas été menée pour savoir lequel des deux, éventuellement, doit être préféré. On sait pourtant que le taux de change remplit deux fonctions conflictuelles dans la gestion de l'économie [BOUGHTON, 1991] : point d'ancrage à la stabilité économique (un pays qui stabilise son taux de change par rapport à une devise forte, gagne en crédibilité); instrument de rééquilibrage des comptes extérieurs (un pays qui surévalue sa monnaie perd de la compétitivité).
Le taux de change flexible permet d’utiliser la politique monétaire à d’autres fins. On admet généralement qu'une économie fortement exposée à des chocs extérieurs, ce qui est le cas des pays africains de la Zone, ont intérêt à stabiliser l'économie par la flexibilité de change.
En imposant le régime de taux de change fixe aux PAZF (Pays Africains de la Zone Franc), la politique monétaire avait un seul objectif à poursuivre, celui du maintien du taux de change à son niveau annoncé.
L’ancrage nominal conduit à réduire l’inflation et il favorise des anticipations non inflationnistes; il crée une contrainte pour la convergence des politiques économiques et il impose une discipline monétaire.
La fixité du change réduit la spéculation déstabilisatrice sur les modifications de taux de change.
En réalité, le choix du régime de taux de change fixe était de faire en sorte que les bénéfices des entreprises françaises ne subissent pas les caprices d’un taux de change erratique.
En clair, la France voulait stabiliser les bénéfices des entreprises françaises. Pour cela, la France a promis réduire l’impact des chocs extérieurs avec des mécanismes coopératifs (comptes d'opérations) ou d'aides (exemples du Stabex ou du Sysmin).
En ce qui concerne, la liberté des transferts, elle est limitée au niveau des pays africains mais massive entre les pays africains et la France. Cette liberté de transferts a conduit à un rapatriement massif des bénéfices des investisseurs étrangers vers leur maison-mère et à un exode des revenus des ménages expatriés vers leur pays d'origine : entre 1970 et 1993, alors que les investissements étrangers s'élevaient à 1,7 milliards de dollars, le rapatriement des bénéfices et des revenus d'expatriés s'est élevé à 6,3 milliards. Les rapatriements ont donc été quatre fois supérieurs aux investissements (Nicolas AGBOHOU, 1999, p. 87).
La transférabilité interne a pris un coup depuis les années 90. Il y a une mesure de suspension de rachat des billets de banque CFA entrée en vigueur le 2 août 1993. Auparavant, et ce jusqu'au 1er août 1993, la convertibilité des billets était libre et illimitée aux guichets de la banque de France. En plus d’une mesure de suspension de rachat des billets CFA entre la zone UMOA et la zone CEMAC à compter de septembre 1993.
Cela n’a pas empêché la détérioration des comptes dans les années 1990 et l’incapacité déclarée de la France à soutenir sans limites les budgets africains. Résultat : les deux francs CFA ont été dévalués de 50 % en janvier 1994 pour passer de 0,02 à 0,01 FF. Cette parité fixe ne changea pas avec le passage du FF à l’euro (1999). Elle s’est traduite automatiquement par le taux de 1 euro pour 655,957 F CFA.
La libre convertibilité et la libre transférabilité sont limitées par le contrôle des changes (surtout depuis la suspension de la convertibilité des billets FCFA) et l’absence de marchés des FCFA (tous les flux passent par le filtre des banques centrales).
Finalement, la zone franc est un espace de circulation asymétrique des capitaux privés, d'investissements publics, et de répartition de l’aide publique où les entrées de flux publics sont compensées par des sorties de flux privés.
Elle demeure caractérisée par le poids des intérêts des firmes françaises. Elle est un espace politique, linguistique, financier marqué par des relations privilégiées avec l’ancienne métropole. D’espace commercial préférentiel, elle est devenue un espace financier privilégié; de système centralisé et hiérarchique de défense externe de la monnaie dans un espace protégé, elle est devenue une institution plus souple de coopération monétaire.
Au sujet de la convertibilité illimitée ou la garantie illimitée du Trésor Français, cette disposition était une manière légale pour les entreprises françaises d’avoir des devises avec leurs milliards de franc CFA. La convertibilité des francs CFA ne résulte pas du marché mais d'une convention avec le Trésor français. La convertibilité permet l’accès aux marchés internationaux et favorise l’entrée des capitaux.
Depuis la dévaluation des francs CFA du 12 janvier 1994, les pays africains membres de la Zone ont perdu leurs droits de tirage automatique. La France est devenue un prêteur résiduel qui se situe en second rang par rapport aux institutions de Bretton Woods, et qui intervient après mobilisation des multilatéraux notamment la Banque africaine de développement.
Enfin, le principe des comptes d’opérations est une escroquerie morale, financière de la France. Les comptes d’opérations auraient même une origine nazie. Il faudrait reprendre l’idée de Nicolas AGBOHOU (1999, p.79) sur ce point.
Selon l’auteur, "la France applique actuellement aux Africains, les cruautés financières que l’Allemagne hitlérienne lui a infligées pendant l’occupation. En effet, l’Allemagne nazie a fait supporter des charges financières énormes à la France envahie…", Selon un mécanisme bien décrit par Pierre ARNOULT.
Selon Nicolas AGBOHOU, l’Allemagne avait organisé sous des apparences commerciales l’exportation chez elle, à peu près gratuitement, de toutes les richesses françaises dont elle avait besoin. Pour réaliser ce dernier projet, elle imagina d’instituer un accord de compensation franco-allemand qui, à la vérité, n’aurait d’accord que le nom et mettrait la production française à sa merci.
Lorsque deux pays décident de régler leurs relations commerciales par voie de compensation, ils créent un clearing, c’est-à-dire un organisme chargé d’équilibrer leurs créances et leurs dettes respectives.
En dehors de l’argumentation fournie par Nicolas AGBOHOU, celle de Maurice NIVEAU (1954) ne manque pas d’intelligence. Cette technique de compte d’opérations, qui est en réalité une escroquerie était pourfendue par les français eux-mêmes.
Maurice NIVEAU (dans Histoires des Faits Economiques contemporains, PUF, 1966, p.306-307) nous rapporte le sentiment français, par les propos de M. Emile MOREAU (gouverneur de la banque de France de 1926 à 1930) qui disait ceci à M. POINCARÉ (président du conseil) : "j’expose au président du conseil que l’Angleterre ayant été le premier pays européen à retrouver une monnaie stable et sûre après la guerre, a profité de cet avantage pour jeter sur l’Europe les bases d’une véritable domination financière. [...] les remèdes comportent toujours l’installation auprès de la banque d’émission d’un contrôleur étranger anglais ou déguisé par la banque d’Angleterre, et le dépôt d’une partie de l’encaisse de la banque d’émission à la banque d’Angleterre, ce qui sert à la fois à soutenir la livre et à fortifier l’influence anglaise..."

b) Le Franc CFA n’a pas apporté le développement économique mais le développement du sous-développement

Le franc CFA est un facteur de sous-développement. Nous le verrons dans les lignes qui suivent. Mais il y a un autre argument que nous devons brièvement examiner ; il renforce la tendance à la libération des PAZF (Pays Africains de la Zone Franc).
                b.1) La création monétaire est du domaine de la souveraineté d’un pays

Jamais, en réalité, l’Etat ne s’est désintéressé de l’émission ; même quand l’institution d’émission était un organisme strictement privé, comme en grande Bretagne, les relations entre la Banque et la Trésorerie étaient étroites.
Les PAZF ont abandonné à la France, la création monétaire qui est pourtant une prérogative régalienne de l’Etat. C’est un "droit inconditionné de définir les règles qui gouvernent l’évolution de la monnaie qui a cours sur son territoire". Et ceci sous deux aspects : au plan interne, s’agissant du "pouvoir d’émettre la monnaie fiduciaire, de définir un système de contrôle de la quantité globale de monnaie en circulation, de définir dans quelles limites l’Etat peut avoir recours à la création de la monnaie pour financer sa dette".
Sur le plan externe, la liberté de choisir un système de change et éventuellement de fixer la position de la monnaie nationale dans ce système. Certaines fonctions sont indispensables à la survie de l’identité nationale et spécifiques à l’Etat et touchent au plus près à la souveraineté et donc ne sauraient souffrir que des limitations très restreintes.
Cela concerne au premier chef le maintien de l’ordre public, la justice et le monopole de la contrainte à l’intérieur,752e131f39a744e34ae6ecc466807296 la diplomatie, la défense et enfin la monnaie.
La plus grande démission des intellectuels africains, en tout cas, ceux du sous-continent noir, c’est d’avoir toléré ce viol monétaire pendant longtemps. Nous avons dit plus haut que le Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’Ivoirien Philippe DACOURY-TABLEY, a en substance plaidé en faveur du maintien du Franc CFA.
Pour le gouverneur, il ne s’agit pas d’avoir une monnaie. "Tout le monde peut le faire. Mais, si c’est pour faire et s’asseoir à côté, ça ne sert à rien", a-t-il fait remarquer. Pour le banquier, il faut plutôt dépassionner la question et "rendre nos économies indépendantes"
Il nous semble mystérieux de rendre les économies africaines indépendantes quand la monnaie elle-même, l’instrument de mesure, est colonisée.
La banque centrale a d’abord été le banquier de l’Etat. C’est du fait de cette relation privilégiée, et seulement dans un second temps, qu’elle a été considérée progressivement comme la "banque des banques", celle qui compense les paiements des banques commerciales et régule la liquidité du secteur bancaire (GOODHART, 1988).
Ce n’est que plus tard qu’on a voulu centrer le mandat des banques centrales sur la lutte contre l’inflation, et les protéger en construisant un cadre institutionnel qui les mette à l’abri des pressions politiques et leur interdise de prêter à l’Etat. Ce cadre est consacré en Europe, en 1992, par le traité de Maastricht.
Le gouverneur sait qu’il n’est que haut fonctionnaire du trésor français. La BCEAO est administrée par un conseil d’administration composé de 16 membres dont deux français. La conduite de la politique monétaire est confiée au Conseil d’Administration de la BCEAO avec le "concours" des comités nationaux de crédits (article 52 du statut de la BCEAO).
L’article 10 de l’accord de coopération entre la République Française et les Républiques membres de l’UMOA dit : "Deux administrateurs désignés par le gouvernement français participent au Conseil d’Administration de la BCEAO dans les mêmes conditions et avec les mêmes attributions que les administrateurs désignés par les Etats membres de l’Union ".
Si l’on doit arrêter une décision à l’unanimité, une simple opposition de la partie française peut compromettre la vie des millions d’africains. C’est tout simplement une infamie. La France contrôle par le biais du franc CFA toutes les économies des PAZF et en conséquence, leur souveraineté.
          

               b.2) Le franc CFA n’apporte pas le développement mais le sous-développement

Si le gouverneur de la BCEAO arbore une joie non dissimulée de faire partie de la zone franc, les populations2738294544_small_1.jpg africaines sont loin de le suivre dans cette œuvre solitaire. Et pour cause, le franc CFA n’apporte pas le développement promis.
Le franc CFA ne permet pas le financement des entreprises, n’entraine pas l’intégration régionale et en dernier ressort ne nous donne aucune dignité.
Le franc CFA étant structurellement et économiquement étranger aux africains, le système bancaire est faiblement développé et les africains n’y attachent aucun intérêt.
Selon le rapport JUMBO de l’agence Française de Développement (AFD, 2007, p.11), en 2007, le total des bilans des banques de l’UEMOA et de la CEMAC est inferieur à la somme des actifs de la première banque sud-africaine.
Le système financier et bancaire de la zone UEMOA a été soigneusement étudié par PRAO Séraphin. (2009) et arrive à la conclusion que la dimension monétaire du développement est absente.
En tout cas, qu’il s’agisse de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal, le ratio de l’approfondissement n’atteint jamais le seuil de 36,5.
En effet, BERTHÉLÉMY et VAROUDAKIS (1998) ont validé par une analyse de panel l’idée selon laquelle l’impact de l’approfondissement financier sur la croissance ne se manifeste qu’à partir d’un certain seuil ( au moins égal à 36,5). Pour la Côte d’Ivoire et le Sénégal, ce taux moyen est respectivement de l’ordre de 0,26 et 0,21 sur la période 1962-2004.
La densité du réseau bancaire des pays de l'UEMOA est très faible. Il y a 1,4 agences ou bureaux bancaires pour 100 000 habitants. Le taux de bancarisation dans l'UEMOA à fin décembre 2003 variait de 0,76% pour la Guinée Bissau à 5,18% pour la Côte d'Ivoire avec une moyenne de 3,02% pour l'Union. En 2005, seules 3 personnes sur 100 ont accès à un compte (BCEAO, 2005b, CB-UMOA, 2006). En comparaison, la France était en 2001 à un taux de 99% (Daniel et Simon, 2001).
Les africains estiment que le système bancaire est réservé aux riches. Ils sont d’autant plus persuadés d’avoir raison que le financement bancaire ne représente que 16% du produit intérieur brut (PIB) en Côte d’Ivoire contre environ 70 % en France ou en Tunisie.
En 2006, le ratio moyen du crédit privé au PIB était de 110% dans les pays de l’OCDE, de 31% dans les pays d’Amérique latine et de 20% seulement en Afrique Subsaharienne (ASS).
En Afrique, les banques sont très peu actives dans le financement de l’investissement. Elles sont très frileuses dans l’octroi des crédits. Du coup, le système bancaire regorge d’énormes liquidités inutilisées.
Le comble c’est que les banques sont depuis 1994 apparues surliquides. La liquidité peut être définie comme l’aptitude d’un établissement de crédit à faire face à ses engagements à court terme, c’est-à-dire concrètement à répondre à une demande inopinée de retraits d’une partie des fonds déposés par la clientèle. Dès lors la surliquidité bancaire n’est rien d’autre que la possession par une banque d’un excès de liquidité.
Mais selon le FMI (2006)[i], la surliquidité bancaire est définie comme le montant des dépôts des banques commerciales auprès de la banque centrale qui excède les réserves obligatoires. C’est cette même définition qu’on retrouve chez Jean CALVIN (2008), en la considérant comme les réserves auprès de la banque centrale excédant les montants minimum requis, en moyenne sur l’année.
billet-bceao.jpgPRAO Séraphin (2009) a estimé que cette surliquidité bancaire représente en moyenne sur la période 1996-2006, entre 2% à 7% du PIB nominal de la zone UEMOA.
Avec cette paresse bancaire, l’effort d’investissement n’a pu engendrer une croissance forte. Sur la période 2002-2007, le taux d’investissement n’excède pas 20% dans l’espace UEMOA (17% (2002) ; 16,1 (2004) ; 18,8% (2005) ; 19,2% (2007)). Sur la même période, en ASS, le taux est en moyenne nettement supérieur à ceux de la zone UEMOA (18,7% (2002) ; 19,3% (2004) ; 20,4%(2005) ; 22,4% (2007)).
Le taux de croissance du PIB réel dans la zone UEMOA ne permet pas de dire que le franc CFA a un impact positif sur l’économie des pays membres.
En comparant cette zone et l’ASS, le taux de croissance du PIB réel y est faible.
Sur la période 2002-2007, dans la zone UEMOA, ce taux est de 1,5% en 2002 ; 2,9% en 2003 ; 2,8% en 2004 ; 3% en 2007. En ASS, ce taux est de l’ordre de 3,5% en 2002 ; 4% en 2003 ; 6,8% en 2004 et 7,2% en 2007.
Les défenseurs du franc CFA ont échoué lorsqu’ils ont cherché à rendre explicite la correspondance entre la monnaie unique (le franc CFA) et l’intégration régionale.
Les monnaies coloniales ont plutôt encouragé l’intégration économique avec la puissance de tutelle, et, dans une moindre mesure, avec le reste du monde.
En imposant leur monnaie, leur système bancaire, et d’autres types de régulation économique dans les frontières arbitraires qu’ils avaient données à l’Afrique, les pouvoirs coloniaux ont en partie empêché l’intégration économique à l’intérieur du continent.
Mais, en même temps, une intégration économique de l’Afrique avec l’Europe et le reste du monde a été possible. Des économies sont intégrées lorsque "leurs relations réelles et monétaires sont si intenses que leurs marchés réagissent simultanément aux mêmes chocs" (BAUDASSE, MONTALIEU, SIROËN, 2001, p. 78) ; Le concept d’intégration traduit deux types de dynamique : l’une est spontanée, elle se réalise de fait, "par le marché" ; elle résulte de l’essor des flux commerciaux et financiers.
L’autre est institutionnalisée, "formelle" ; elle traduit un volontarisme et des accords politiques ; obtenue "par les règles", elle suppose la mise en place d’institutions et le passage d’étapes programmées dans le temps.
En effet, les grands pays exportateurs dans le commerce intra UEMOA sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal qui ont exporté vers la zone respectivement 11 et 6,5% de leurs exportations totales entre 1990 et 2003 (BOOGAERDE et TSANGARIDES, 2005). Ces pays sont de ce fait de loin les grands offreurs de biens manufacturiers dans la zone en détenant respectivement 74 et 14% des exportations intra zone.
Selon la commission européenne (2002), en 1999, 40% des exportations de l’espace UEMOA étaient destinées à l’Europe. Les importations en provenance de l’union européenne en direction de l’UEMOA la même année se situe à 43%. Les exportations de la zone UEMOA en direction du même espace représentent 12% tandis que les importations se situent à 10%.
Le renforcement de l’intégration régionale doit passer par le développement du commerce intra régional à travers l’amélioration des infrastructures routières notamment. Il a été démontré que le commerce au sein de l'UEMOA triplerait si toutes les routes nationales reliant les pays membres entre eux étaient revêtues en dur. Pour cela, il nous faut trouver des ressources pour le financement de grands projets routiers. Et pourtant, des milliards de Franc CFA dorment dans les caisses du Trésor français, signe que les africains sont tout simplement terribles.

CONCLUSION

La monnaie, lien social, est au cœur d'une légitimation par le pouvoir, d'une confiance par les marchés et d'une crédibilité par le dynamisme de l’économie, et par les politiques, notamment de la Banque centrale. Les francs CFA ont une convertibilité conventionnelle; la monnaie CFA ne constitue pas un symbole de Souveraineté.
Si le Franc CFA ne disparaît pas, on aura garde de paraître conférer aux Africains une étiquète d’incapable congénitale. Être libre, être indépendant, pouvoir se gouverner soi-même, être maitre de ses décisions, c’est une fin en soi. C’est même la première fin qu’il faut rechercher quand on veut se bâtir un pays ou une vie à soi.
Un pays indépendant est un pays qui exerce sa souveraineté en toute liberté, n’a d’allégeance pour aucun autre pays et ne se détermine qu’en fonction de ses intérêts et de sa volonté. Telle est, en gros, la définition de l’Indépendance.
BODIN, un des plus grands théoriciens de la souveraineté dans les Six livres de la République (1576) reprend le thème de l'imitation de Dieu pour caractériser l'autorité souveraine. Cette autorité insiste-t-il est indivisible absolue (elle est au-dessus des lois puisqu'elle les fait) ou encore perpétuelle. Il va ainsi fixer les attributs de la souveraineté.
En Egypte ancienne, le pouvoir du pharaon reposait sur un certain nombre de symboles. Ils étaient les témoins de sa force, de sa divinité et de son autorité sur les terres d’Egypte.
La monnaie fait partie des attributs de la souveraineté, l’ignorer, c’est simplement faire fausse route dans le combat pour la souveraineté tout court.

 

Par le Dr Séraphin PRAO

 

Source : http://www.couleursdafrique.eu   

 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 03:46

samir_amin4.jpgSamir Amin, 79 ans, n'a rien perdu de sa fougue militante. Tête pensante du Tiers mondisme, proche de certains des pères des indépendances, comme Modibo Keita, auteur d'une cinquantaine d'ouvrages politiques et économiques, il traque le capitalisme et l'impérialisme international sous toutes leurs formes. Interrogé par Christophe Champin (RFI), il dresse le bilan de 50 ans de relations entre les États africains et le reste du monde.


 

R.F.I.: Faites-vous partie de ces pessimistes qui disent que les cinq décennies de l'indépendance sont cinq décennies perdues ?

Samir Amin : Je ne suis pas pessimiste et je ne pense pas que ce sont cinq décennies perdues. Je reste extrêmement critique, extrêmement sévère à l’égard des États africains, des gouvernements, des classes dirigeantes, mais je suis encore plus critique à l’égard du système mondial qui est responsable, en grande partie, des échecs africains. Vous savez la colonisation que l’on vante aujourd’hui a été une catastrophe historique. Au sortir de la colonisation, au Congo belge, il y avait neuf Congolais qui avaient effectué des études supérieures. Après 30 ans du régime de Mobutu, l’un des régimes les plus ignobles qu’on ait eu dans l’histoire, ce chiffre se compte par centaines de mille. Autrement dit, le pire régime africain a fait trois mille, cinq mille fois mieux que la belle colonisation belge. Il faut rappeler ces choses.

R.F.I. : Quand vous pointez du doigt le système mondial qui a mené en partie le continent africain là où il est aujourd’hui... que reprochez-vous particulièrement à ce système mondial ?

S.A. : Au moment des indépendances africaines, l’Afrique était, et reste encore aujourd’hui, le «ventre mou», la partie la plus vulnérable du système mondial. Et une partie vulnérable du système mondial est condamnée par la logique même de ce système à être surexploitée. La surexploitation en Afrique, c’est principalement le pillage des ressources naturelles du continent. C’est-à-dire que l’Afrique est utile pour le système mondial dans la mesure où elle est une source de richesses naturelles assez fabuleuses. L’Afrique utile, c’est l’Afrique sans les Africains. Les peuples africains pour le système mondial sont de trop. Ils ne font pas partie de cette frange des travailleurs, sauf les émigrés bien entendu, que l’on surexploite. Ce qui est intéressant pour l’impérialisme, pour l’appeler par son nom contemporain, ce sont les ressources naturelles de l’Afrique. Et pourquoi l’Afrique est vulnérable ? Parce que précisément, après avoir reconquis son indépendance, les pays africains ne se sont pas engagés suffisamment, pas engagés du tout même, dans la voie d’une industrialisation accélérée. Je dis le contraire de ce que l’on dit généralement : l’industrialisation, c’est pour plus tard. L’Afrique n’est pas mûre pour l’industrialisation.
On disait ça de la Chine il y a cinquante ans. On disait ça de la Corée du Sud. Ce sont précisément les pays qui se sont industrialisés, rentrés dans l’industrialisation, d’une façon décidée, qui sont aujourd’hui les pays émergents. Alors l’Afrique a pris cinquante ans de retard. Dans ces cinquante ans de retard, il y a une part importante de responsabilité des classes dirigeantes. Mais la faiblesse même de ces classes dirigeantes, le fait qu’elles aient accepté de se situer dans le statut d’État client de l’Occident ne réduit pas la responsabilité des pays occidentaux.

R.F.I. : Est-ce qu’il n’y a pas aussi le risque de placer systématiquement ces pays en position de victime. Les dirigeants aujourd’hui sont acteurs sur le continent africain.

S.A. : Bien sûr qu’ils sont acteurs ! Ce sont les alliés subalternes dans le système mondial, donc ils ont autant de responsabilité que leur patron. Mais leur patron a autant de responsabilité qu’eux. Prenons une question banale, celle de la corruption parce que tout le monde parle de la corruption et c’est vrai une bonne partie des politiciens africains sont corrompus à l’extrême. Mais ceux qui les corrompent ne sont pas moins responsables.

R.F.I. : Revenons à l'histoire.1960, année d’indépendance pour de nombreux pays africains. Certains évidemment ont acquis leur indépendance plus tôt, mais l'année 1960 est une année importante pour beaucoup de pays francophones et certains pays anglophones. Où êtes-vous précisément à cette époque-là ?

S.A. : Je suis précisément en Afrique. J’avais été en Égypte, dans mon pays, entre 1957 et 1960. En septembre 1960, je suis allé à Bamako. Je crois que c’était le jour même de la proclamation de l’indépendance du pays, ou c’était le lendemain. Donc dès le départ, j’avais fait le choix de mettre mes compétences modestes au service du développement de l’Afrique nouvelle, de l’Afrique indépendante.

R.F.I. : Comment avez-vous vécu ce jour de l’indépendance ?

S.A. : Je l’ai vécu avec beaucoup d’enthousiasme et avec beaucoup d’attente. Enfin, ces pays ayant reconquis leur indépendance allaient pouvoir s’engager dans un développement digne de ce nom, c’est-à-dire rapide, à marche forcée, mais également juste, bénéficiant à l’ensemble du peuple, aux classes populaires. J’ai choisi d’aller au Mali pas par hasard. C’est parce que le gouvernement malien, le parti qui s’appelait l’Union soudanaise à l’époque, avait fait des choix radicaux c’est-à-dire un choix d’indépendance, un choix d’indépendance pas rhétorique mais d’indépendance réelle, en se battant sur le terrain pour obtenir la marge de manœuvre la plus large possible et, l’histoire de ce parti en faisait un parti qui était très largement à l’écoute des masses populaires, notamment de la paysannerie. Beaucoup de conditions étaient réunies pour un bon départ. Et le départ n’a pas été mauvais, mais le pays restait extrêmement vulnérable non pas seulement pour des raisons géographiques : un très grand pays à l’époque très peu peuplé (il y avait 4 millions d’habitants à peine), avec des frontières énormes et incontrôlables, sans accès à la mer, donc toute sorte de raisons de vulnérabilité.

La dérive est venue rapidement. Dans cette dérive les classes dirigeantes locales ont une responsabilité particulière parce qu’elles s’étaient créé une marge de manœuvre et elles ne l’ont pas utilisée de la meilleure manière. La dérive vers le pouvoir, je ne dirais pas personnel, mais le pouvoir d’une élite et d’une minorité, y compris le pouvoir personnel a été très rapide.

R.F.I. : Il y a d’autres pays qui avaient fait un choix : la Guinée ou le Ghana prônaient une certaine indépendance économique notamment vis-à-vis des anciens colonisateurs. Est-ce qu’à l’époque, en observant ces pays, vous perceviez tous les problèmes qui allaient survenir dans les années 70-80 ?

S.A. : Oui et non. Je n’aurais pas l’outrecuidance de dire que j’avais tout prévu, mais j’ai vu assez rapidement les difficultés et les dérives possibles et qui se sont avérées de véritables dérives, celle du Mali, mais également celle du Ghana. J’ai été au Ghana et le Ghana m’a toujours fait une assez bonne impression c’est-à-dire, en dépit des dérives, une capacité de se ressaisir, ce qui a été le cas, avec des hauts et des bas, bien entendu. La Guinée qui m’a donné dès le départ une impression déplorable, c’est-à-dire l’impression d’un gouvernement et particulièrement d’un président, extrêmement autoritaire, Sékou Touré, qui était un bon politicien au sens où il savait manœuvrer, il savait parfois faire les concessions qu’il fallait ou des choses de ce genre, il savait parfois négocier au plan international, mais il n’avait aucune culture politique, aucune vision des véritables difficultés et des exigences d’un développement.

Le minimum pour un développement exige, exigeait et exige toujours, une certaine démocratie pas au sens du blueprint («modèle», en français), de la recette toute faite comme celle du multipartisme et des élections qui seront dans la plupart des cas tout à fait bidons - pas seulement dans les conditions de l’Afrique, également ailleurs, y compris en Europe, puisqu’on peut voter comme on veut en Europe et le résultat est comme si on n’avait pas voté (rires) - mais au sens de la prise en considération de la dimension sociale, c’est-à-dire d’une démocratie associée au progrès social, et non dissocié du progrès social, a fortiori associé à une régression sociale comme c’est le cas à l’heure actuelle quand il y a quelques éléments de démocratie.

R.F.I.: Concevez-vous l’échec des politiques qui ont été menées dans ces pays comme un échec des idées que vous avez défendues ou de l’application de ces idées ?

S.A. : L’argument qui consiste à dire «les idées étaient bonnes mais leur application a été mauvaise» n’est pas mon genre de raisonnement. Si l’application a été mauvaise, c’est que les idées n’étaient pas parfaites. Je ne dirais pas qu’elles étaient mauvaises. On peut penser que les grands principes choisis par un certain nombre de pays africains au lendemain des indépendances étaient des principes corrects, mais ça ne suffit pas. Il faut aller plus loin. Il faut traduire ces principes en sous-principes, je dirais en méthodes d’action et là, on a vu très rapidement les contradictions apparaître.

R.F.I.: L'Afrique a-t-elle une place dans la mondialisation... que vous critiquez, par ailleurs ?

S.A. : L’Afrique doit trouver sa place. Si elle le doit, elle le peut. Mais c’est un peu théorique. Dans le court terme, l’Afrique reste extrêmement vulnérable. Et comme je le disais, dans l’avenir visible, l’Afrique reste pour le monde entier, particulièrement pour les puissances développées du capitalisme, une source de matières premières : que ce soient les hydrocarbures, que ce soit l’uranium, que ce soient les minéraux rares, les métaux rares (ça c’est très important pour l’avenir), ou que ce soient les terres agricoles ouvertes maintenant à l’expansion de l’agri-business occidental, chinois, brésilien et autre, que ce soit demain le soleil et donc l’électricité lorsqu’elle pourra être transférée sur de longues distances, et que ce soit l’eau. Le capital international s'intéresse exclusivement à ces opportunités. Pour le capital international, l’Afrique, les Africains n’existent pas. Le continent africain est un continent géographique plein de ressources. Point. Et c’est contre cette idée que l’Afrique doit s’organiser pour non pas seulement refuser de se soumettre à ce pillage, mais utiliser ces ressources naturelles pour son propre développement.

R.F.I. : Après les indépendances, différents chefs d’Etat ont tenté de mettre en place des méthodes de développement dit autocentré ou plus indépendant des anciens colonisateurs : Julius Nyerere en Tanzanie, Kwame Nkrumah au Ghana… Ces modèles ne sont pas parvenus à leurs buts. Aujourd’hui, on est dans cette période du tout capitalisme mondialisé. Que faire en fait ?

S.A. : Ces moyens et ces politiques ne sont pas parvenus à leurs buts, c’est vrai, Mais les autres non plus. On a vanté beaucoup à l’époque le choix de Houphouët-Boigny et le choix de l’ouverture non régulée et incontrôlée de la Côte d’Ivoire. Et où en est la Côte d’Ivoire aujourd’hui ? Je crois que sa situation est bien pire que celle du Ghana, c’est-à-dire que malgré tout, l’héritage, la partie positive de ce que Nkrumah avait fait, c’est pour cette raison que le Ghana est dans une moins mauvaise situation aujourd’hui qu’un pays voisin et très comparable par ses richesses et par son type d’agriculture, de richesses naturelles, par sa taille, qu’est la Côte d’Ivoire.

R.F.I. : Quelle est aujourd’hui la marge de manœuvre des États africains pour trouver une voie médiane ?

S.A. : Cette marge de manœuvre est en train de renaître précisément par le succès des pays dits émergents : la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres pays moins importants comme la Corée du Sud, ou en Afrique même, l’Afrique du Sud (c’est le seul). Ces pays sont déjà en conflit avec les pays de l’Occident. On l’a vu à l’occasion de la visite d’Obama à Pékin et dans les suites de cette visite. Et ce conflit qui n'est pas seulement un conflit pour l’accès aux ressources naturelles mais aussi pour l’accès au marché, l’accès au financement, va aller en s'aggravant. Ce conflit constitue également une garantie contre la poursuite du projet de contrôle militaire de la planète par les Etats-Unis de contrôle militaire de la planète qui est bien malade maintenant, ne soit pas poursuivi. Même s’il y a beaucoup de bémols à mettre, ces pays émergents comprendront qu’ils ont intérêt à contribuer à la renaissance, à la reconstitution (il n’y a pas de reconstitution en histoire) de quelque chose comme  Bandoeng, c’est-à-dire je n’irai pas jusqu’à dire un front commun mais une alliance très large même avec les pays les plus vulnérables, avec les pays du continent africain, de façon à se renforcer collectivement et à imposer un recul des ambitions occidentales et le pillage du continent.

R.F.I. : Beaucoup de pays africains se tournent vers la Chine, vers l’Inde, parfois comme si c’était une planche de salut pour sortir de leur situation. N'est-ce pas une erreur ? La solution... ne serait-elle pas plutôt de savoir jouer avec les différents partenaires ?

S.A. : Jouer avec les partenaires est un jeu dangereux. À l’époque de Bandoeng, bien des pays y compris l’Égypte nassérienne, ont voulu jouer du conflit entre les États-Unis et l’Union soviétique : jouant la carte soviétique de temps en temps, la carte américaine à un autre moment. Ils ont perdu sur les deux tableaux. Je crois qu’aujourd'hui, un pays qui engagerait… une diplomatie disons, active, qui s’engagerait à jouer une carte chinoise un jour et une carte américaine le lendemain serait également vouée à l’échec. Je crois qu’il faut au contraire travailler à reconstituer cette ligne des 77 (les 77 sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui et le groupe des 77 s’appelle « 77 + Chine » aux Nations unies). Les Chinois proposent à beaucoup de pays africains ce que l’Occident ne propose pas: la construction d’une gigantesque infrastructure qui est l'une des conditions d’un développement possible, d’un développement industriel, d’un développement digne de ce nom, qui ne soit pas simplement quelques produits agricoles d’exportation dans des conditions misérables, mais des infrastructures de transport, des chemins de fer, des routes, … Après tout, la seule grande construction de chemins de fer dans l’histoire moderne de l’Afrique après les indépendances a été le Tanzam qui a été fait par les Chinois. Maintenant, il n’est pas impossible hélas que dans la course aux ressources naturelles, les Chinois et les Brésiliens et les autres ne se comportent pas très différemment, d’une façon très différente des Occidentaux.

R.F.I. : L'Afrique ne risque-t-elle pas de se retrouver dans la même configuration mais avec des partenaires différents ?

S.A. : Non, je ne crois pas. Parce que les partenaires sont différents. Le partenaire chinois et le partenaire brésilien ne sont pas dans la situation des États-Unis ou de l‘Europe. D’abord, ils n’ont pas un projet de contrôle militaire de la planète comme les États-Unis. Si les États-Unis ont un projet de contrôle militaire de la planète, hélas l’Europe suit. L’Europe, c’est l’Otan et l’Otan, ce n’est rien d’autre que les alliés subalternes des États-Unis. Ni la Chine, ni l’Inde, ni le Brésil, quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir sur la nature des classes dirigeantes et la nature des choix de développement économique et social de ces pays, ne sont pas dans la même position.

R.F.I. : Beaucoup d’observateurs parlent d’une période historique qui serait dans une sorte de seconde indépendance de l'Afrique, notamment pour l’Afrique francophone. Qu’en pensez-vous ?

S.A. : Ce sont des grands mots. Nous sommes dans une deuxième vague. Elle peut être meilleure ou elle peut être pire que la première - dans l’histoire c’est toujours ouvert –. L’Afrique avait commencé pas si mal en dépit du titre du livre de René Dumont, l’Afrique noire est mal partie. Elle était mal partie sur certains points, sur certains plans, et René Dumont avait raison sur ce point, en ce qui concerne l’agriculture. Mais l’Afrique qui n’était pas tellement mal partie en 1960 s’est enlisée très rapidement et je souhaite que ce qui s’annonce soit une deuxième vague d’indépendance, si on l’appelle ainsi, du continent africain.

Par Christophe Champin( RFI.fr)

 

Article publié le : lundi 08 mars 2010 - Dernière modification le : vendredi 26 mars 2010



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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 01:13
 

Luc Rigouzzo, Directeur général de PROPARCO


L'Europe peine à saisir les mutations profondes qui s'opèrent sous ses yeux, de l'autre côté de la Méditerranée. Quand on pense à l'Afrique aujourd'hui, on revoit l'Afrique d'il y a trente ans : un continent vide et rural, peu créateur de valeur ajoutée mais regorgeant de matières premières, quelques comptoirs urbains répartis sur les côtes, des problèmes de gouvernance et parfois des conflits. En 1980, l'Afrique comptait en effet 480 millions d'habitants, dont seulement 130 millions vivaient en ville, parmi lesquels un tiers, soit 40 millions, étaient considérés comme solvables. Le Maghreb, l'Afrique du Sud et le Nigeria représentaient ensemble 65 % du PIB du continent. Une telle vision est réductrice aujourd'hui car c'est en réalité un grand marché de consommateurs qui émerge en Afrique subsaharienne.


Les raisons de ce changement sont multiples. La première est démographique. Avec une croissance de la population la plus rapide au monde (3 % par an), l'Afrique pourrait compter deux milliards d'habitants en 2050. Et pour la première fois, la population en âge de travailler sera largement plus nombreuse que la population dépendante, créant un « dividende démographique » pour le continent. Avec moins de personnes à charge, les surplus des économies générés par les actifs s'orienteront vers la consommation et l'investissement.


Le phénomène d'urbanisation est peut-être le plus exceptionnel. De 28 % en 1980, la population urbaine sera majoritaire en 2030. En estimant qu'un tiers de ces citadins seront des clients solvables, c'est un marché de 300 millions de consommateurs qui s'ouvre aux portes de l'Europe. Croissance démographique, urbanisation, dividende démographique... L'Afrique est en train d'emprunter le même chemin que les pays émergents avant elle, notamment l'Inde et la Chine. On assiste à l'émergence d'un véritable marché intérieur, qui sera le principal moteur de la croissance africaine.


L'émergence d'une classe moyenne africaine, principalement urbaine, suscite de nouveaux besoins : se nourrir, se loger, se vêtir, communiquer ou encore se déplacer. Les entreprises qui réussiront à se développer sur le continent seront celles qui sauront répondre aux besoins de ces nouveaux consommateurs. C'est donc dans les secteurs des infrastructures (cimenterie, télécommunications, eau, énergie), des services, notamment financiers, et des biens de consommations courantes que se situent les nouvelles opportunités d'investissement. Les parts de marché sont à prendre aujourd'hui.


Certes, parmi ce milliard de citadins, une partie importante vivra dans les bidonvilles et restera en marge de ce grand courant commercial. Mais les modèles « Bottom of the pyramid » ont montré que rentabilité et réduction de la pauvreté n'étaient pas incompatibles. Ceci implique d'être innovant et d'offrir des produits et des modèles de distribution adaptés aux populations les plus pauvres.


Si les investissements sont aussi faibles aujourd'hui, c'est parce que le risque perçu est supérieur au risque réel. Pourtant de nombreux signaux témoignent déjà du dynamisme de ce marché : des taux de croissance compris entre 5 et 6% ces dernières années, l'arrivée de fonds d'investissement spécialisés sur le continent ou le développement des places boursières sud-africaine ou nigériane par exemple.

Un certain nombre d'investisseurs l'ont déjà compris. La mise en bourse récente de CFAO, filiale du groupe PPR et leader de la distribution spécialisée en Afrique, a été un succès. De nombreux projets fleurissent, de plus en plus destinés aux marchés locaux : logements, infrastructures urbaines, énergie, eau, télécoms, agro-industries... Ce sont les opérateurs émergents qui ont le mieux compris cette dynamique et qui se lancent à l'assaut du continent, qu'ils soient africains (nigérians ou sud-africains), méditerranéens (marocains ou turcs par exemple) ou asiatiques (chinois notamment).

L'expérience de PROPARCO démontre qu'investir en Afrique est rentable. Depuis trente ans, elle consacre la moitié de ses engagements au continent, dans la fourniture de services aux plus pauvres. Avec un taux de rentabilité aux actionnaires proche de celui du CAC 40, nous constatons au quotidien que le continent peut-être la prochaine frontière de la croissance mondiale.

Plutôt que de rester repliés sur le « vieux monde » - qui ne représente qu'un cinquième de la population mondiale et croit à 2 % - les investisseurs auraient donc tout intérêt à s'intéresser au potentiel inexploité du continent africain.


Source : http://www.lexpansion.com/afrique/l-afrique-prochaine-frontiere-de-la-croissance-mondiale



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8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 15:52

A l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines, Jean-Michel Severino et Olivier Ray, auteurs du Temps de l'Afrique (Ed. Odile Jacob), offrent un nouveau regard sur l'histoire économique tourmentée des nations subsahariennes. Là où certains y discernent les signes d'une « tragédie africaine », ils n'y voient qu'une banale « tragédie des cycles économiques ».

 

3b0bed1Nous célébrons cette année le cinquantenaire des indépendances africaines. L'occasion d'un nouveau regard sur l'histoire économique tourmentée des nations subsahariennes - nécessaire à la compréhension des basculements en cours en ce début de XXIe siècle.

Insatisfaits de ces « théorie de la malchance » qui méconnaissent la force de l'histoire humaine et des intérêts qui s'y jouent, d'autres auteurs ont vu dans la persistance du sous-développement africain un legs colonial. Très en vogue dans les années 1960 et 1970, ces thèses de la responsabilité du « Nord » dans le sous-développement du « Sud » continuent à nourrir certaines des réflexions altermondialistes contemporaines. L'an dernier, une économiste d'origine zambienne issue du bord idéologique inverse (néolibéral) a remis la thèse de la malédiction néocoloniale au goût du jour en dénonçant une aide au développement « fatale » pour la croissance africaine (2). Pourquoi donc, Africains, êtes-vous pauvres ? Parce que votre histoire est africaine. Seconde tautologie.

Refusant d'absoudre les Africains de toute responsabilité dans leur propre sort, d'autres sont au contraire allés puiser les causes du sous-développement tenace qui sévissait au Sud du Sahara au plus profond de l'identité des peuples qui y vivent. L'Afrique, rétive au progrès, serait avant tout victime d'elle-même, en proie à un ensemble de traditions foncièrement incompatibles avec le développement. Dépourvu de la conscience du temps, insoucieux de l'avenir, l'Africain vivrait à jamais dans le présent. Rien de moins qu'un « programme d'ajustement culturel » serait nécessaire pour que les Africains parviennent au développement (3). Pourquoi donc, Africains, êtes-vous pauvres ? Parce que votre culture est africaine. Troisième tautologie.

Si l'existence de contraintes géographiques, historiques et institutionnelles est indéniable en Afrique comme ailleurs, faire de la géographie, de l'histoire ou de la culture la cause profonde du sous-développement africain revient à entretenir la confusion de tous sur des semi-vérités anhistoriques. Le substrat commun de ces théories est le fatalisme propre aux discours scientistes : en s'évertuant à lever le voile du « mystère africain », elles le réifient - et se rendent aveugles aux mutations à l'oeuvre au Sud du Sahara. 

 

L'Afrique n'est pas condamnée

Non, la tragédie du sous-développement africain n'est pas celle que l'on croit : l'Afrique n'est condamnée ni pararton3224-96x100 sa géographie, ni par son histoire, ni par sa culture. Plutôt qu'à une faillite généralisée et immuable, l'histoire africaine depuis les indépendances révèle une succession de crises. Là où certains y discernent les signes d'une « tragédie africaine », nous n'y voyons qu'une banale « tragédie des cycles économiques ».

On l'oublie aujourd'hui, l'Afrique noire était plutôt bien partie : les premières années des indépendances ont représenté un véritable âge d'or pour le sous-continent. Le produit intérieur brut africain dépassait alors celui de l'Asie (hors Japon), et les regards inquiets des économistes de la Banque mondiale se tournaient vers la Chine et l'Inde. La croissance africaine atteignait 4,6 % par an en moyenne de 1960 à 1973. La décennie 1970 n'en fut pas moins celle de l'emballement de la machine économique africaine et de sa fuite en avant dans l'endettement - caractéristique de l'ambition des nouvelles nations et de l'espoir suscité par la montée des cours des matières premières. La dette africaine augmenta de 20 % par an de 1972 à 1980.

Poids de la dette et revenus des exportations en baisse : la « crise des ciseaux »

La « crise des ciseaux » provoquée par la chute soudaine et durable des cours des exportations africaines et la hausse vertigineuse des taux d'intérêt plongea en quelques années l'Afrique subsaharienne dans une longue période de stagnation, dont elle sort à peine. La faillite économique des États africains se mua rapidement en faillite symbolique, et c'est dans ce contexte que les bailleurs de fonds choisirent de laisser s'effondrer leur aide. Ainsi de 34 dollars par habitant en 1990, l'aide au développement au continent tomba à 21 en 2001. Derrière cette faillite africaine figure celle du système de Bretton Woods, tel qu'imaginé par ses concepteurs à la sortie de la Seconde guerre mondiale. La communauté internationale choisit en effet de s'en tenir à une gestion de la crise financière, et à l'endiguement des convulsions les plus violentes provoquées par le remède des programmes d'ajustements structurels. Cette tragédie comporte donc son lot d'erreurs, dont les pays industrialisés ne peuvent s'absoudre.

C'est ainsi que nous pouvons conter la véritable tragédie du sous-développement africain. Elle n'évacue en rien la responsabilité humaine, mais révèle qu'aucune société n'aurait pu croître et se développer en de pareilles circonstances. Si elle vaut la peine d'être contée, c'est parce qu'elle nous permet de comprendre pourquoi l'Afrique que nous avons sous les yeux s'éloigne à grand pas de la scène où se joua le drame de son sous-développement. Tolstoï, dans Guerre et Paix, raconte pourquoi il était impossible à la Grande Armée de ne pas parvenir à Moscou, et comment il lui était impossible d'y demeurer. Pas plus que la défaite russe ne pouvait être évitée, l'Afrique ne pouvait conjurer deux décennies de récession suite à la crise des ciseaux. Mais pas plus que les armées de Koutouzov ne pouvaient échapper à la victoire sur les troupes napoléoniennes, il ne lui est possible de faire autrement que de se jeter à corps perdu dans l'aventure de la croissance en ce début de XXIe siècle. Une aventure faite d'opportunités et de périls nouveaux.


Dangereuses illusions ?

Nous berçons-nous de dangereuses illusions ? Ces projections respirent-elles la naïve espérance de devins illuminés ? Se fourvoient-elles dans un afro-optimisme bon teint ? Au contraire. Tout observateur du continent africain perçoit depuis plusieurs années déjà les effets de profonds bouleversements à l'oeuvre au Sud du Sahara. Voyons les chiffres : l'Afrique subsaharienne a connu un taux de croissance annuelle de 5,5 % en moyenne depuis le tournant du siècle, contre seulement 1,35 % pour la zone euro. Or, des travaux récents sur l'évolution des niveaux de vie (4) indiquent que ces estimations sous-estiment la progression des niveaux de vie et la réduction de la pauvreté en Afrique depuis le milieu des années 1990.

L'Afrique, longtemps pensée hors du temps, coupée du monde et rétive à la croissance, change de visage en ce début de XXIe siècle. L'envolée des échanges avec les pays émergents, l'intégration des économies africaines dans les circuits financiers internationaux, l'apparition d'une classe moyenne s'inscrivent en faux par rapport à l'image d'une Afrique maudite, à la marge du monde. L'émergence d'acteurs africains au premier plan des relations internationales, secteurs public et privé confondus, illustre cette normalisation - fruit de mutations profondes. Voici venu le temps de l'Afrique.



(1) Easterly, W. et Levine, R., ?Africa's growth tragedy, policies and ethnic divisions?, The Quarterly Journal of Economics, novembre 1997, CXII.

(2) Moyo, D., L'Aide fatale, Editions JC Lattès, 2009.

(3) Etounga-Manguelle, D., L'Afrique a-t-elle besoin d'un programme d'ajustement culturel ?, l'Harmattan, 2001.

(4) http://www.nber.org/papers/w15775

Jean-Michel Severino et Olivier Ray -  08/04/2010 11:00:00  - L'Expansion.com 

 

 

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 08:21

Graça Machel, ancienne première dame du Mozambique et épouse de Nelson Mandela, fait partie des afro-optimistes : dans une interview à l'agence de presse allemande DPA, elle affirme que «l'Afrique émerge, vraiment» et «qu'il y a plus de démocratie qu'avant». Sur les 54 pays d'Afrique, les conflits ne se comptent plus que «sur les doigts d'une seule main», dit-elle. Somalie, République démocratique du Congo, Soudan, Tchad, Ouganda... «Je reconnais que nous avons encore des défis à relever, mais je reconnais aussi que quelque chose est en train d'arriver, quelque chose de très profond et de très large». Dans quelques décennies, les perceptions sur l'Afrique auront changé, assure Graça Machel.


Garça MachelElles ont déjà changé, si l'on en juge par un article de Newsweek, publié le 19 février et intitulé «Comment l'Afrique devient la nouvelle Asie». Le magazine américain remarque des taux de croissance en Afrique qui ont résisté à la crise, et l'existence de 12 pays ayant un revenu par habitant supérieur à la Chine – présentant tous les potentiels d'un nouveau marché à conquérir. Mais suffit-il de parler de dragons pour qu'ils émergent ?


Dans le dernier index sur la démocratie en Afrique de l'Economist Intelligence Unit (EIU), un bureau d'études basé à Londres, publié en avril 2009, l'île Maurice est la seule vraie démocratie du continent africain : elle répond à cinq critères sur les processus électoraux, le fonctionnement du gouvernement, la participation, la culture politique et les libertés publiques. L'Afrique du Sud a manqué de peu le classement, à cause de sa culture politique, encore marquée par la violence. Parmi les cinq autres «démocraties défectueuses» du continent figurent le Bénin, le Botswana, le Cap-Vert, le Lesotho et la Namibie.


Un autre index, plus indulgent, publié par le groupe de pression américain Freedom House, trouve six pays "libres" en Afrique en 2010 : Mali, Bénin, Ghana, Afrique du Sud, Botswana et Namibie.

Toujours selon l'EIU, l'Afrique compte 15 régimes «hybrides», qui ont des apparences démocratiques mais empiètent toujours sur les libertés d'expression ou se livrent à des fraudes électorales. Parmi ces vraies-fausses démocraties, on retrouve des nations qui passent pourtant pour  des modèles, comme le Mali, le Ghana ou le Sénégal.


Quant aux régimes autoritaires, ils sont encore, et de loin, les plus nombreux : 16 selon Freedom House et 22 selon l'EIU. Le Tchad remporte même la palme du régime le plus autoritaire au monde après la Corée du Nord. L'Afrique se distingue aussi par l'extrême longévité de certains de ses chefs d'Etat au pouvoir : le colonel Mouammar Kadhafi dirige la Libye depuis 1969, José Eduardo dos Santos l'Angola depuis 1979, Paul Biya le Cameroun depuis 1982, Robert Mugabe le Zimbabwe depuis 1980, Denis Sassou-Nguesso le Congo depuis 1979 (avec une interruption de cinq ans), et Yoweri Museveni l'Ouganda depuis 1986. Au Gabon et au Togo, les fils Bongo et Eyadéma ont succédé à leur père après leur mort. Encore quelques décennies, et les perceptions feront peut-être le tri, entre les Afriques très différentes qui émergent...


Sources : Reuters

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 08:06

 En marge de la publication des comptes du groupe Bolloré, Vincent Bolloré a fait, hier soir sur Europe 1, le bilan d'une activité économique en reprise...

 

"Toute l'Asie est repartie depuis 6 mois. L'Amérique est en train de repartir de façon évidente, et même l'Europe vincent-bollore.jpgcommence à montrer des signes de reprise. Les gens ne le sentent pas encore parce qu'ils sont encore touchés par la crise et les difficultés d'emploi, mais je pense que les nouvelles qui arrivent vont être meilleures" a expliqué l'entrepreneur breton.

 

S'arrêtant sur l'implantation extrêmement forte de son groupe en Afrique, Vincent Bolloré a estimé : "Je suis très heureux parce qu'il y a 30 ans nous avons parié sur ce continent grâce à ses hommes, ses femmes et ses matières premières. Aujourd'hui, ce continent est en plein essor, parce que les investisseurs du monde entier, après avoir découvert la Chine,après avoir découvert l'Inde, découvrent l'Afrique. Ils font des investissements, et ces investissements commencent, évidemment, à créer des emplois, des développements...

 

Nous voyons que la croissance de l'Afrique est maintenant très supérieure à celle de l'Europe. Je pense que c'est le continent des 10 prochaines années".


A.S. - ©2010 www.boursier.com

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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 03:03
 
                     L' Afrique a besoin aujourd'hui d'unité....


Le Président de la Commission de l'Union Africaine s'est confié  au magazine panafricain Jeune Afrique, à quelques jours du 14è sommet. Dans cet entretien, il rassure les uns et autres sur la bonne marche de l'organisation notamment à propos des inquiétudes liées au Guide Libyen Mouammar Khadafi. Il n'a pas manqué de saluer l'avancée de l'Afrique dans les relations internationales. Il a été très direct sur des questions d'intérêt général et a pris position pour le continent. Il marque bien la volonté du continent à se faire respecter et a donné une autre lecture des relations diplomatiques. L'Afrique n'est plus le valet des grandes puissances, semble -t-il affirmé. Nous publions ici toute l'interview. Laissez vos avis en commentaires !


Guinée, Côte d’Ivoire, Madagascar, Gabon, Kaddafi, la gouvernance, ses relations avec les chefs d’État... À la veille du 14e sommet de l’Union africaine, le président de la Commission s’est confié à Jeune Afrique.


Paris, mi-janvier. À quelques jours du 14e Sommet de l’Union africaine (du 25 janvier au 2 février à Addis-Abeba) dont il préside la Commission, le Gabonais Jean Ping, 67 ans, nous a accordé un long entretien. Il vient seulement de poser ses valises dans son pied-à-terre parisien du 8e arrondissement qu’il sait qu’un nouveau marathon aérien l’attend. En moins de quinze jours, il doit enchaîner Libreville/Paris/Washington/New-York/Tripoli/Le Caire/Paris/Addis/Antananarivo avant de regagner ses pénates éthiopiens où l’attend un ordre du jour des plus chargé : Guinée, Côte d’Ivoire, Madagascar, Soudan, Somalie, évolution de l’organisation panafricaine… Sans oublier les habituelles kaddafiades sans lesquelles un sommet de l’UA n’aurait pas la même saveur.

Personnage incontournable de la diplomatie africaine, ce métis sino-gabonais qu’Omar Bongo Ondimba (OBO) appelait parfois « Mao », a connu tous les postes aux côtés du « Vieux » : dix-sept ans sans discontinuer au gouvernement, un record. Il faisait partie du premier cercle de l’ex-doyen africain, a épousé sa fille Pascaline (ils sont aujourd’hui séparés), « chaperonné » un temps son fils Ali, futur ministre des Affaires étrangères et actuel chef de l’État. Élu en février 2008 à la tête de la Commission de l’Union africaine grâce, en grande partie, à l’influence de son mentor, Jean Ping s’apprête à fêter ses deux ans à la tête de l’organisation panafricaine. Et à vivre son premier sommet sans OBO. Courtois, intarissable et jovial, il a répondu à toutes nos questions. À sa manière, c’est-à-dire en pesant chaque mot. Enfin presque…

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 Jeune Afrique : Crises guinéenne et malgache, présidentielle ivoirienne, Soudan, Somalie, réforme de l’organisation… Le 14e sommet de l’Union africaine (UA), qui se tiendra à la fin de ce mois de janvier à Addis-Abeba, en Éthiopie, s’annonce chargé. Qu’en attendez-vous concrètement ?

Jean Ping : Ce sommet revêt une importance capitale à plusieurs titres, et pas uniquement en raison des multiples crises auxquelles nous sommes actuellement confrontés. D’abord, l’année 2010 sera celle d’un Mondial de football en Afrique. C’est une grande première, à la faveur de laquelle les projecteurs du monde entier seront braqués sur notre continent. Ensuite, une dizaine d’élections présidentielles auront lieu au cours de cette même année. Ce sont des processus toujours délicats. Enfin, nous aurons à débattre de notre propre évolution : transformer la Commission de l’UA en Autorité de l’Union, définir la nature, la composition et les mandats de cette Autorité. Le principe de cette évolution est acquis depuis le dernier sommet, à Tripoli. Reste cependant le plus difficile : se mettre d’accord sur son contenu. Je ne vous cache pas que les divergences entre chefs d’État sont nombreuses et que nous devrions encore une fois assister à de chaudes discussions… 


Croyez-vous réellement aux États-Unis d’Afrique ?

Oui, bien sûr. Qui pouvait imaginer, il y a quelques décennies, qu’un jour l’Union européenne (UE) existerait sous sa forme actuelle ? Malgré son histoire faite de conflits aboutissant à des guerres mondiales, cette région a su dépasser des problèmes que nous n’avons pas connus à une telle échelle. Aujourd’hui, nous marchons vers les États-Unis d’Afrique. C’est un impératif. Nos États, pris individuellement, sont invisibles et inaudibles sur le plan international. Quand nous parlons d’une même voix, c’est différent.

Mais cet objectif lointain ne revient pas, comme j’ai pu l’entendre, à mettre fin à l’existence de nos États ou à porter atteinte à leur souveraineté. Il s’agit d’unir nos forces, après avoir réglé nos problèmes communs, avec une efficacité accrue et des moyens supérieurs, pour peser sur les grands débats qui concernent la planète tout entière. 


Lors du sommet d’Addis-Abeba, le Libyen Mouammar Kaddafi va transmettre la présidence en exercice à un chef d’État de l’Afrique australe, a priori le Malawite Bingu wa Mutharika. Compte tenu du style très interventionniste du « Guide » et de vos divergences de vues, notamment à propos des coups d’État, est-ce un soulagement ?

Je n’ai pas d’états d’âme. Mon rôle consiste à travailler avec celui que les présidents africains ont désigné. 


Quel bilan tirez-vous de votre collaboration avec lui ?

Je retiens d’abord l’essentiel : c’est au cours de ce mandat que nous avons décidé de créer l’Autorité de l’Union, même si nous n’avons pas encore trouvé de consensus sur sa nature et ses moyens. En règle générale, les présidents en exercice interviennent assez peu. C’est normal. Contrairement à moi, ils ont d’autres chats à fouetter, un pays à diriger. Mouammar Kaddafi, lui, intervient beaucoup. C’est évidemment plus compliqué à gérer… 


Il manque un pays important au sein de l’UA, le Maroc. Comment s’y prendre pour l’y faire revenir ?35218---photo.jpg

Très franchement, je ne vois pas très bien comment vous répondre. Le Maroc n’a pas été exclu – ce que d’ailleurs nos statuts ne prévoient pas, seule la suspension étant possible –, mais a décidé de se retirer en raison de l’entrée de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). La cause de ce retrait étant toujours présente, le retour du Maroc se heurte aux mêmes difficultés. 


Selon vous, était-ce une bonne décision d’accueillir la RASD au sein de l’OUA, à l’époque ?

Je ne me pose pas la question en ces termes. Cette décision a été prise à la majorité des États. Il n’y avait pas lieu, pour un secrétaire général de l’OUA à l’époque, tout comme il n’y a pas lieu pour le président de la Commission aujourd’hui, d’émettre un jugement sur son bien-fondé. 


Lors de votre élection, il y a maintenant deux ans, on vous a comparé à votre prédécesseur et ex-président du Mali, Alpha Oumar Konaré, qui n’hésitait pas à s’exprimer, quitte à froisser ses anciens pairs. Le statut d’ancien chef d’État est-il un avantage ou un inconvénient dans votre fonction ?

Cela dépend. Les relations d’amitié, voire de complicité que le président Konaré a pu tisser avec d’autres chefs d’État quand il était au pouvoir dans son pays constituent indéniablement un plus. Tutoyer et connaître vos interlocuteurs ouvre beaucoup de portes et facilite les discussions. Je ne dispose pas de cette facilité-là. Je ne peux ni ne dois me mettre au niveau des chefs d’État. Nous faisons la même chose, mais de manière différente. Cela me convient très bien. 


Vous déclariez à l’époque que vous parleriez moins et agiriez plus…

Prendre des positions sur tout, ce n’est pas mon genre. Effectivement, je parle moins. Mais j’interviens toujours autant. Quand il le faut, je publie un communiqué, dont chaque mot est pesé. Quant à l’action, je ne crois pas avoir chômé. On ne m’a pas laissé le choix : j’ai eu à gérer nombre de coups d’État en six mois !

Plus sérieusement, je crois que nous avons beaucoup travaillé. Qu’il s’agisse de paix et de sécurité, de développement, de respect de la démocratie ou des droits de l’homme, de lutte contre les prises du pouvoir par la force… Nous avançons. L’Afrique progresse d’ailleurs plus qu’on ne le pense dans ce dernier domaine : les coups d’État – qui ne sont pas notre apanage, il suffit de voir ce qui s’est passé au Honduras, à Fidji ou en Thaïlande – ne sont plus une fatalité, ni une simple formalité pour leurs auteurs, qui doivent rendre des comptes, négocier, font l’objet de pressions, sont menacés de sanctions automatiques, etc. Il est de moins en moins facile d’enfreindre nos règles, et l’impunité n’est plus de mise. En conclusion, je crois que l’on agit mieux dans la discrétion. Donc moins l’on parle, mieux cela vaut. 


Le siège de l’UA se trouve à Addis-Abeba. En Éthiopie, développement ne rime pas vraiment avec démocratie et droits de l’homme. Ne trouvez-vous pas cela pour le moins gênant ?

Nous ne sommes pas une institution supranationale qui intervient dans les affaires intérieures des États. Sauf, évidemment, avis contraire du Conseil de paix et de sécurité (CPS) et des chefs d’État, lorsque la situation requiert une intervention, comme en Guinée après les massacres du 28 septembre dernier. Cela n’empêche pas, dans le cas que vous évoquez comme dans d’autres, en toute discrétion, de tenter de convaincre untel d’assouplir sa position, d’empêcher qu’une situation politique tendue ne dégénère, de renouer les fils du dialogue. Les bons offices ne sont pas toujours connus du grand public… JEAN_PING-2.jpg


Ces dernières années, les processus électoraux ont fait l’objet de vives contestations, comme au Gabon, en septembre 2009. Le rôle des observateurs de l’UA est régulièrement critiqué. De quelle marge de manœuvre disposez-vous réellement en la matière ?

Contestation ne signifie pas automatiquement fraude. Dans tous les pays africains – je dis bien tous –, on assiste à ce phénomène après chaque élection. Cela ne signifie pas que les résultats ont été tronqués, cela ne signifie pas non plus que tout a été parfait. Il faut également préciser que nous ne sommes presque jamais seuls en tant qu’observateurs. Plusieurs organisations sont à nos côtés : UE, Francophonie, et d’autres. Les critiques ne devraient donc pas concerner la seule UA. Je vous assure que nous mettons tout en œuvre, avant, pendant et après les scrutins, pour assurer la meilleure surveillance possible. Ce qui nous a permis d’améliorer les processus électoraux. 


Autre tendance lourde, les modifications constitutionnelles destinées à faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Cette mode du « pouvoir à durée indéterminée » vous inquiète-t-elle ?

Évidemment. Mais ces situations sont extrêmement complexes pour nous. En cas de prise de pouvoir par la force, nos règles sont claires et s’appliquent automatiquement. En revanche, dans ce cas de figure, elles sont beaucoup moins précises. La Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR], par exemple, interdit les modifications constitutionnelles moins de six mois avant la fin du mandat. Dans le cas du Niger, qui a enfreint cette règle, nous avons donc suivi les recommandations de la Cedeao puisqu’elles existaient. Il y a eu des sanctions, des négociations sont toujours en cours. Mais chaque cas est différent. Et en l’absence de règles du jeu communes à tous, il est difficile d’intervenir. 


En matière de droits de l’homme et de démocratie, quels sont les pays qui vous inquiètent le plus ?

Ceux qui ont modifié l’ordre constitutionnel comme la Guinée ou Madagascar, ceux qui ont connu ou connaissent encore des conflits armés, comme au Darfour, en Somalie ou dans l’est de la RD Congo, ceux qui subissent de plein fouet un fléau comme le narcotrafic, à l’image de la Guinée-Bissau. 


Comment sortir de la crise malgache ?

Le cas malgache est très particulier. Il s’agit du soulèvement d’une partie de la population. Ensuite, une grande partie de l’armée a sympathisé avec ceux qui se sont soulevés et ont pris le pouvoir. Aujourd’hui, la seule manière de s’en sortir est de redonner aux Malgaches la possibilité de choisir leurs dirigeants à travers une élection transparente. Le premier accord, signé à Maputo sous l’égide du président Chissano, était très compliqué à mettre en œuvre. À Addis, les protagonistes malgaches ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur la composition d’un gouvernement, à seulement trois ou quatre postes près… Enfin, lors de la troisième rencontre, à Maputo, Andry Rajoelina a décidé de ne plus participer au processus. Il est donc revenu sur ses engagements. Il faut remettre tout le monde sur les rails pour aboutir à une seule chose : redonner la parole au peuple malgache. 


ONU, UA, Francophonie… N’y a-t-il pas trop de médiateurs dans cette affaire ?

À l’évidence, oui. C’est même un des problèmes majeurs. 


L’élection présidentielle ivoirienne a une nouvelle fois été reportée. Comment faire en sorte qu’elle se tienne cette année ?

Nous faisons confiance au médiateur qui a été choisi, le président burkinabè Blaise Compaoré. Lui-même n’a pas contesté ce report, au contraire. Au-delà de l’évidente déception que l’on peut ressentir de prime abord, je crois qu’il est capital d’obtenir un scrutin incontestable. Il restait trop d’électeurs potentiels dont la nationalité ivoirienne était à vérifier, près de deux millions avant la décision du report. Aujourd’hui, le médiateur nous assure que l’élection auront bien lieu cette année. 


Quel délai raisonnable accepter ?

Le problème de ces électeurs étant en voie d’être résolu, il n’y a plus d’obstacle majeur à la tenue de cette élection. Elle devrait donc, en toute logique, avoir lieu au cours du premier semestre 2010.


En Guinée, la mise à l’écart du capitaine Moussa Dadis Camara vous semble-t-elle définitive ?

Des engagements viennent d’être pris par l’intéressé et par le général Sékouba Konaté pour un retour à l’ordre constitutionnel après une transition rapide. C’est un très grand pas. Je ne vois aucune raison de douter de ces engagements. Mais cela ne nous dispense pas d’être vigilants. Car le véritable problème de la Guinée, c’est son armée. Pas uniquement untel ou untel. 


Et si Dadis décidait de revenir à la tête de la junte et de ne pas tenir parole, comme il a déjà pu le faire, notamment à propos de sa candidature à la présidentielle ?

Il ne reviendra pas au pouvoir. 


Vous semblez bien sûr de vous…

Disons que c’est ma conviction. 


Avalisez-vous le rapport de la commission d’enquête de l’ONU sur les massacres du 28 septembre 2009, qui accuse nommément, entre autres, Moussa Dadis Camara ?

Je ne vois aucune raison de le contester. 


jean-ping-africa-hsmall-vertical-copie-1.jpgLors du sommet de Charm el-Cheikh, à la fin de juin 2008, l’UA a fait front pour soutenir le chef de l’État soudanais Omar el-Béchir contre la Cour pénale internationale (CPI), qui venait d’émettre contre lui un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour. Pourquoi ce soutien ?

Que les choses soient claires : nous ne mettons pas en cause le principe de la justice internationale. Ce que nous critiquons, c’est l’opportunité de cette décision, à ce moment précis et dans des circonstances précises. Il faut bien comprendre que le Soudan est une poudrière, et pas seulement en raison de ce qui s’est passé au Darfour. Croyez-vous une seconde qu’Omar el-Béchir va tranquillement attendre que l’on vienne l’arrêter ? Prendre une telle décision revenait à saper tous les efforts entrepris pour éviter le pire… 


On vous a aussi entendu critiquer une justice à deux vitesses.

C’est une évidence ! Il suffit d’examiner l’identité de ceux qui ont été traduits devant la CPI. Des Africains, uniquement des Africains ! Je veux bien que nous ayons notre lot de « criminels », mais pourquoi sommes-nous les seuls ? Ne s’est-il rien passé à Gaza, au Sri Lanka, en Colombie, en Tchétchénie ou en Géorgie, par exemple ? La dignité des Africains a suffisamment été bafouée au cours de l’Histoire. Oui, il y a une justice pour les faibles et une autre pour les puissants ! 


Votre discours, c’est un peu « laissez-nous laver notre linge sale en famille ». Pourtant, l’Afrique ne brille pas particulièrement de ce point de vue. Thomas Lubanga, Jean-Pierre Bemba, Hissène Habré… Si la CPI a pris en charge certains de ces cas, n’est-ce pas pour pallier les carences africaines ?

Je suis le premier à reconnaître nos immenses lacunes dans ce domaine. Je ne cherche pas à les nier. Le cas Hissène Habré est le plus flagrant. Nous avons mis en place des organes exécutifs et législatifs panafricains. Il manque le judiciaire : une cour de justice continentale. Ce constat, aussi amer soit-il, n’excuse pas une justice à deux vitesses. Au nom de quoi devrions-nous accepter ce que les autres refusent ? Pourquoi les Occidentaux, eux, n’acceptent-ils pas que leurs ressortissants soient jugés en Afrique s’ils y ont commis des crimes ? 


Que pensez-vous des procédures dites des « biens mal acquis » intentées en Europe contre des présidents africains ?

La même chose : notre objectif n’est pas de protéger des criminels ou des délinquants, mais de refuser cette justice à deux vitesses. On ne s’intéresse la plupart du temps qu’aux Africains. Pas aux Russes, ni aux Chinois, ni aux ressortissants du Moyen-Orient, par exemple. A-t-on la certitude que les millions qui ont servi à acheter une grande partie de la Côte d’Azur, de Paris ou tel ou tel club de football ont été bien acquis ? Encore une fois, nous ne contestons pas le principe d’une justice internationale, mais la méthode. 


’UA a envoyé des forces de maintien de la paix au Soudan et en Somalie. Or on constate que, dans les deux cas, la situation ne s’améliore guère…

Je voudrais rappeler, en ce qui concerne la Somalie, que ce pays est dans la même situation depuis bientôt vingt ans. Les États-Unis et l’ONU y sont allés et sont repartis en catimini. Le Conseil de sécurité refuse de s’engager en Somalie depuis le tristement célèbre échec de l’opération « Restore Hope ». L’UA fait ce qu’elle peut, dans des conditions extrêmement difficiles. Ses hommes y sont seuls et certains y meurent. Maintenant que la piraterie maritime menace des intérêts occidentaux, on déploie une véritable armada dans la zone pour protéger les navires russes, européens ou américains. Les pirates sont-ils nés en mer ? Non, ils viennent de Somalie, où le chaos règne depuis deux décennies. C’est sur ce terrain qu’il faut agir. 


Que faire dans ces conditions ?

Nous aider, aider le gouvernement de transition, qui n’existerait même plus si nous n’étions pas à ses côtés pour le protéger. Il faut davantage de moyens matériels, humains et donc financiers. Avec seulement cinq hélicoptères de combat supplémentaires, la situation sur le terrain changerait beaucoup. L’UE nous aide un peu, mais c’est insuffisant. 


L’offensive économique massive de la Chine en Afrique suscite de nombreuses interrogations. Les Occidentaux reprochent aux Chinois de faire fi de la mauvaise gouvernance chez certains de leurs partenaires du continent et de réendetter les Africains alors qu’eux-mêmes procèdent à de nombreuses annulations de dette. Qu’en pensez-vous ?

Les Occidentaux voient d’un mauvais œil la concurrence chinoise. Mais en l’espèce, les leçons de morale ne valent pas grand-chose. L’Afrique a un besoin impérieux de partenaires. Or la Chine investit considérablement sur le continent. Quelles que soient ses arrière-pensées ou l’aspect critiquable de certaines de ses méthodes, elle, au moins, est présente à nos côtés. Elle s’installe là où les autres puissances refusent de venir. L’Europe et les États-Unis doivent être conséquents : ils sont nos partenaires traditionnels, compte tenu de l’Histoire, des langues, des valeurs partagées. Les Africains rêvent d’Europe ou d’Amérique, parlent le français, l’anglais, l’espagnol ou le portugais. Pas le chinois. Mais qui refuse nos étudiants ? Qui rechigne à s’engager en Afrique ? 


180px-Jean_Ping_080202-F-1644L-081_0YWDF-copie-1.jpgVous êtes gabonais. Quel jugement portez-vous sur l’après-Omar Bongo Ondimba ?

La transition s’est déroulée en tous points conformément à la Constitution, sans accrocs. C’est suffisamment rare pour être souligné. Le scrutin lui-même a été correct. La tension est montée, de manière très vive et inquiétante, après les opérations de vote. Mais cette crise a été réglée par les autorités gabonaises elles-mêmes, sans heurts majeurs. Les différentes institutions ont joué leur rôle et un vainqueur a été proclamé puis investi. Si l’on tient compte des inquiétudes initiales – il faut quand même se souvenir que tout cela constituait une grande première au Gabon – le pays s’en est plutôt bien sorti. 


Que pensez-vous des premiers pas d’Ali Bongo Ondimba ?

J’ai été, comme tout le monde je crois, très agréablement surpris par les premières décisions du nouveau président. La plupart, comme la réduction du train de vie de l’État, la suppression d’une multitude de postes et d’avantages, l’interdiction du cumul des fonctions ou la rationalisation de la fonction publique, étaient attendues par la population. Encore fallait-il avoir le courage politique de les prendre. Se séparer de son plus proche collaborateur, son directeur de cabinet, après les révélations de Jeune Afrique dans l’affaire du scandale de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), c’était totalement inédit chez nous. Et peut-être aussi ailleurs… 


Quelles relations entretenez-vous avec le nouveau président ?

Elles sont cordiales. Nous nous connaissons bien et depuis longtemps. Mais maintenant, je ne l’appelle plus « Ali ». Je l’appelle « monsieur le président »… 


Avez-vous envisagé, comme cela a pu se dire, de vous présenter à l’élection présidentielle ?

Jamais, même si on m’y a fortement incité. D’abord, je n’en avais pas l’envie. Je suis très bien où je suis, je n’ai pas fini mon travail et je respecte mes engagements. Ensuite, même si je l’avais voulu, je savais que les conditions n’étaient pas réunies pour réussir : il faut de l’argent – même si j’en aurais sans doute trouvé –, un parti, des infrastructures et du temps pour se préparer. Enfin, j’avais dit au président Omar Bongo, il y a déjà longtemps, que le jour où il se retirerait de la politique, je me retirerais avec lui. 


Comment avez-vous vécu sa disparition ?

Ce fut extrêmement douloureux. Il m’a entouré de son affection tout au long de ma carrière. Il m’a toujours soutenu, je lui dois mon élection à la tête de la Commission, il était bon et généreux. C’est très difficile de voir disparaître tout cela. 


Dix-sept pays africains célèbrent cette année le cinquantième anniversaire de leur indépendance. Quel bilan tirez-vous de ces cinquante ans écoulés ?

Il faut être franc, il est loin d’être flatteur. Je ne parle même pas de démocratie mais de gouvernance. La Chine n’est pas démocratique, mais elle avance. D’autres pays – comme la Corée du Sud ou la Malaisie – se sont développés sans démocratie à leurs débuts. La différence ? Des dirigeants éclairés… On peut considérer que les grandes puissances, qui nous ont imposé nombre de diktats, ne nous ont pas aidés. Que l’Occident a sa part de responsabilité dans ce constat. Mais les principaux responsables, c’est nous. 


De quoi l’Afrique a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ?

D’unité. Sinon, nous resterons condamnés à regarder le monde changer sans nous.

 

Propos recueillis pour Jeune Afrique par Marwane Ben Yahmed  [30/01/2010 17:32:32 ]

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