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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 06:17


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Le Niger, ex-colonie française, a célébré le mardi 03 août le cinquantenaire de son indépendance par une prise d'armes et la traditionnelle cérémonie de plantation d'arbres, une sobriété choisie en raison de la grave crise alimentaire qui frappe le pays.

"Le Niger a préféré célébrer son cinquantenaire dans la plus grande simplicité pour tenir compte de la crise alimentaire préoccupante", a déclaré le gouverneur de Niamey, le colonel Soumana Djibo, lors de la cérémonie dans la périphérie de la capitale. A la suite d'une forte sécheresse, le Niger est de nouveau confronté cette année à une grave crise alimentaire qui, selon l'ONU, affecte plus de 7 millions de personnes, soit près de la moitié de la population. Le général Salou Djibo, chef de la junte au pouvoir depuis le renversement du président Mamadou Tandja en février, a présidé une prise d'armes au son de la fanfare nationale et a passé en revue un détachement de l'armée. Il a donné le coup d'envoi de la "fête de l'arbre" en plantant lui-même un arbre, pour symboliser la lutte contre la désertification qui a déjà conquis les deux tiers du vaste territoire nigérien. Des membres de la junte et du gouvernement, des ambassadeurs et représentants d'institutions internationales l'ont imité. Une dizaine de jeunes ont chanté pour encourager les autorités à "amplifier" la lutte. "Pour avoir de la pluie et beaucoup à manger, il faut lutter contre l'avancée du désert", ont-ils exhorté. La "fête de l'arbre" avait été instituée par le président-général Seïni Kountché (1974-1987) pour commémorer l'indépendance, en lieu et place des grandioses festivités. Depuis lors, des milliers d'arbres sont plantés tous les 3 août à travers ce pays sahélien très pauvre.

En cette année du cinquantenaire de l'indépendance, la fête a été dédiée à la "lutte contre l'insécurité alimentairearbres-bon.jpg par la gestion durable des terres". "Notre objectif doit être de transformer radicalement le système de production agricole pour sortir définitivement le Niger des conséquences désastreuses des aléas climatiques et du cycle de la famine", a affirmé lundi soir le général Djibo dans un discours radiotélévisé. La croissance de la population (quelque 15 millions d'habitants en 2010) pourrait avoir des effets "catastrophiques" si elle n'est pas maîtrisée, a-t-il également averti.

Le Niger célèbre son cinquantenaire en pleine période de transition politique. La junte a promis de rendre le pouvoir aux civils à l'issue d'une élection présidentielle prévue le 3 janvier 2011. M. Tandja, qui avait créé une grave crise en cherchant à se maintenir au pouvoir malgré la fin de son mandat légal, est détenu depuis le putsch du 18 février.


Cinquantenaire du Niger: Ce qu’ils pensent …

 

 « Le CSRD renonce à la bamboula »

                                                                                                

Lorsqu'on a faim, on ne fête pas. Encore moins après 50 ans d'existence. La junte au pouvoir à Niamey depuis le 18 février dernier l'a compris et a donc décidé de renoncer aux festivités marquant le cinquantenaire de l'indépendance du Niger. Une décision qui s'ajoute à tant d'autres, confirmant ainsi le sérieux de ce qui se passe à Niamey.

 

NigerDjibo 0Le général Salou Djibo et ses compagnons surprennent donc agréablement l'opinion africaine. Certes, le pays subit de plein fouet la famine qui décime populations et cheptel à un rythme inquiétant. Mais, il faut aussi déplorer le fait que l'aide internationale arrive au compte gouttes. Elle parviendra encore plus difficilement aux nécessiteux en cette période de saison des pluies qui voit habituellement les routes du sahel coupées par les eaux. C'est le lieu de dénoncer cette bureaucratie légendaire qui, depuis longtemps, pèse de tout son poids sur la gestion et l'acheminement de l'aide internationale aux pays du Sud. L'espoir d'une solution urgente reste cependant permis suite au récent séjour au Niger du directeur régional de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, Gianfranco Rotigliano. La décision de la junte mettra sans doute mal à l'aise ceux qui ont prévu de festoyer dans l'allégresse sur un continent en proie à une mendicité chronique. Mais seront-ils mis au pilori, ceux qui se situent bien loin des intérêts de leur peuple et sont généralement un peu trop prompts à se livrer à de véritables libations à la moindre occasion ? Que nenni ! L'option des nouvelles autorités nigériennes n'indexe pas moins tous ceux qui profitent de telles opportunités pour opérer des détournements ou dépouiller les populations. L'idéal, ce serait de voir la décision de Niamey faire des émules surtout dans les autres pays ouest-africains dont beaucoup connaissent pratiquement les mêmes difficultés que le Niger. Il reste que si le droit de rêver est propre à tous les hommes, il faut toutefois savoir distinguer rêve et réalité dans ce monde si complexe. L'on comprend d'ailleurs très difficilement ces commémorations qui se suivent et se ressemblent presque. Dans les pays africains, le discours officiel valorise l'intégration et prône l'unité et la solidarité.

 LOGO CINQUANTENAIREniger

Pourquoi alors s'échiner à festoyer en ordre dispersé et dans un contexte de  crise économique sérieuse? La cohésion n'étant pas le fort du continent, ne serait-il pas plus avantageux de commémorer ensemble, de manière concertée, avec le concours de l'Union africaine et des organisations sousrégionales? On pourrait alors réfléchir autant que faire se peut, sur notre parcours, et les défis à relever pour demain. L'Afrique des peuples y gagnera sûrement. Pour l'heure, la décision de Niamey séduit. Elle traduit une maturité et un sens élevé des responsabilités bien visibles depuis l'ère de l'ancien-président Tandja, lorsque les Nigériens s'étaient engagés dans la lutte contre l'autocratie, les abus de toutes natures et pour une démocratie véritable. Aujourd'hui encore, sans le vouloir forcément, l'équipe de transition de la junte au pouvoir à Niamey donne des leçons aux acteurs politiques africains. En effet, à son avènement, la junte promettait de restaurer la démocratie dans le pays. Elle s'efforce de garder le cap puisque le premier tour de l'élection présidentielle couplée aux législatives sera organisé le 3 janvier 2011.

Parallèlement, même très pauvre et enclavé, le Niger s'est doté d'un Comité national contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Récemment, les 22 membres de son gouvernement de transition ont aussi participé à Niamey à un atelier d'une journée sur la transparence et l'équité dans les procédures de passation des marchés publics. Ce qui se passe à Niamey, encourage à tel point que lors de son dernier sommet au Cap-Vert, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a annoncé le retour du Niger à ses réunions, en tant qu'observateur. Le pays avait été suspendu de l'institution le 20 octobre 2009 après les législatives controversées organisées sous le régime de Tandja. Les récentes décisions montrent que progressivement les choses avancent au Niger. Cela permet à ceux qui ont entrepris d'assainir les finances publiques puis de remettre le pouvoir à des civils démocratiquement élus, de poursuivre leurs objectifs.

 

Il faut saluer à cet égard l'humilité de la junte, son ouverture d'esprit, son souci d'aller de l'avant et de réaliser les promesses tenues, sa discrétion et l'efficacité de son train de mesures. En s'abstenant de festoyer à l'occasion des 50 ans d'indépendance du Niger, la junte montre qu'elle sait tirer leçon du passé mais aussi profiter de l'expérience des autres. En même temps qu'elles font preuve de maturité, les nouvelles autorités nigériennes affichent leur grande compassion visà- vis du peuple nigérien. Celui-ci en effet, mérite davantage de compréhension et de soutien.

O L A D A F (Observatoire Libre d'Analyse et de Documentation Africaine) : « Respect du pouvoir du peuple : Une leçon de patriotisme et de bonne gouvernance à l’élite politique Africaine ! »

 NigerLes autorités politiques nigériennes viennent d’émouvoir la conscience du monde à travers la décision ô combien patriotique de supprimer toutes les festivités marquant les 50 ans d’indépendance de leur pays, par solidarité avec leur peuple qui lutte contre la famine suite à une longue série de sécheresses qui a plongé le peuple nigérien dans une profonde crise alimentaire. Point n’est besoin de  stigmatiser un degré aussi élevé de patriotisme, d’altruisme et de bonne gouvernance dont les dirigeants politiques et l’élite nigériens viennent de faire preuve dans un continent où ces vertus sont plutôt rarissimes. Pour le peuple congolais, ce geste des dirigeants nigériens est d’autant plus éloquent quand on compare le degré de crise et de misère entre les deux peuples nigérien et congolais.  

Toute la différence est là ! Au Niger le peuple lutte contre la famine, en République Démocratique du Congo, plus de la moitié de la population souffre de malnutrition chronique, le peuple pleure plus de six millions de morts massacrés dans l’indifférence totale, des centaines de milliers de femmes violées, des hommes mutilés, des enfants traumatisés….  et  plusieurs centaines de milliers de familles errent dans la forêt sans nourriture ni protection, parce des étrangers sont venus occupés leurs terres par la force, comme à l’époque de l’homme de Neandertal. Mais malgré cette situation désastreuse et alors que les fonctionnaires et les enseignants ne sont pas payés depuis plusieurs mois, « Kabila » et Muzito n’ont pas hésité à dépenser plus de 100 millions de dollars pour festoyer avec des invités de marque venus d’ailleurs. Inutile de préciser que plus de la moitié de ce budget décaissé est allé dans les poches sans fonds des différents responsables. En commençant par le sommet. De même, alors que certains chantent partout le «cœur charitable» d’Olive Lembe, l’épouse de «Kabila», comment expliquer qu’au moment où des centaines de milliers d’orphelines et de femmes congolaises violées soufrent dans l’abandon total, l’épouse de notre imposteur national a cru bon de faire à la très aisée reine des belges des cadeaux en diamants valant plusieurs centaines de milliers de dollars «à titre privé »? Par quelle magie les richesses de la RDC et l’argent du contribuable congolais seraient-ils devenus la propriété privée du couple présidentielle de la RDC ?  

Et lorsque quelques voix, dont celle du premier ministre belge Yves Leterme,  s’élèvent pour dénoncer cette indécence diplomatique du couple « Kabila » , qui s’apparente plus d’ailleurs a une tentative désespérée de corruption morale pour obtenir l’appui politique de la famille royale belge, le plus illustre des griots de « Kabila » sort brusquement de son sommeil pour débiter toute une longue série d’ inepties dont il détient le record parmi tous les collabos. Mende Omalanga, pour ne pas le nommer, pousse le bouchon de l’idiotie jusqu’au bout, et compare l’incomparable. Il estime en effet que «Kabila» peut se permettre cette «libéralité» au même titre que le roi des belges et son premier ministre ont affrété un avion spécial pour descendre à Kinshasa! Ignorance ou imbécillité ? Toujours est-il que Mende feint d’ignorer la vraie problématique du débat. Lui qui a pourtant vécu longtemps en exil en Belgique sait que les fonctionnaires et les enseignants sont régulièrement payés, et très bien payés en Belgique, et les frais  des déplacements du roi et des autorités politiques belges sont annuellement  budgétisés. Ce qui n’est pas le cas dans la République bananière dont « Kabila » est le « capita » incontrôlable. Mais faut-il réellement s’étonner de cette incurie du porte-parole d’un gouvernement qui ne brille que par sa médiocrité et son incapacité à répondre aux besoins de millions de congolais ?  

Nous ne le dirons jamais assez, les dirigeants politiques actuels de la RDC  souffrent d’un complexe apparemment indélébile du colonisé vis-à-vis des belges. Ils cherchent le quitus de toutes leurs actions à Bruxelles pour en garantir le succès. Et lorsque leurs professeurs belges leur collent une mauvaise note, comme l’a fait Yves Leterme et Karel de Gucht avant lui, ils vitupèrent et réclament le respect de leur souveraineté.   Hier, le même griot de Mende chantait victoire à gorge déployée, annonçant au monde la venue du roi des belges pour participer aux festivités du cinquantenaire, aux côtés d’un «Kabila» requinqué par cette « bénédiction » royale. A la télévision nationale, l’exaltation puérile de Mende faisait peine à voir. Comment ne pas rester perplexe devant ce pitoyable ressortissant d’un pays occupé qui se réjouit de la venue du représentant des anciens colons belges pour « fêter » la supposée « indépendance » du pays de Lumumba et Kimbangu, aux côtés du nouveau colon rwandais ?

Aujourd’hui, après avoir reçu la côte d’exclusion de leurs maîtres belges sur l’organisation de leurs fêtes,  le même Mende vocifère et réclame, avec la rhétorique d’un autre temps, que les mêmes belges respectent la « souveraineté » des gouvernants congolais et les traitent d’égal à égal!  

Qu’à cela ne tienne. L’exemple des dirigeants politiques du Niger, pays africain, doit interpeler l’élite congolaise: quand est-ce que le peuple congolais va-t-il enfin devenir la première préoccupation de ceux qui veulent à tout prix le représenter au sein de nos différentes institutions  ? Aujourd’hui les représentants du pouvoir d’occupation présidé par « Joseph Kabila » tentent de camoufler leur imposture derrière des discours sans consistance. La « démocratie » et la bonne gouvernance ne sont que des mots. Pour couvrir la nouvelle colonisation de la RDC, les pillages, les massacres, la répression, la misère etc…les collabos sont montés au créneau. Mais le 30 juin 2010 les congolais ont été des millions à refuser de célébrer avec eux la nouvelle colonisation de la RDC parce qu’ils ne sont plus dupes.  N’en déplaise donc à Lambert Mende et ses collègues collabos, les congolais comme d’autres millions d’africains savent au moins exactement ce avec quoi ils ont rompu il y a 50 ans. 

« Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme)  

  

Niger, cinquantenaire d'une démocratie kaki

armée nigérienne

TPlus saharien que sahélien, ce pays en est à son quatrième coup d’État sous la houlette de militaires qui semblent s’être fait une spécialité de « sauver la République ». Résultat : un pays policé, riche des promesses de son uranium, dont la population a quintuplé, mais qui peine terriblement à sortir de son sous-développement économique et à combler son déficit de gouvernance démocratique.

À force de jouer avec le feu, Mamadou Tandja, le président déchu du Niger, a fini par se brûler les ailes. Il a réussi l’exploit de s’aliéner la sympathie de tous et de pousser l’armée à reprendre le pouvoir. Une fois de plus. Qu’avait-il à organiser, envers et contre tous, ce référendum constitutionnel de tous les malheurs du 4 août 2009 ? Se croyant plus malin que tout le monde, il avait prolongé son mandat de trois ans, pour, expliquait-il, répondre à la volonté du peuple. Et tout broyé sur son passage : la Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale, avant d’instaurer sa VIe République. Une situation digne d’un roman de Gabriel García Márquez ou de Sony Labou Tansi. Brutale est la chute.


Unité nationale

Pourtant, en cinquante ans, comparé à ses voisins ou à d’autres pays du continent, le Niger fait presque figure d’État sage. Bien sûr, il a connu des crises, surtout dans les années 1990, qui ont, par exemple, conduit à l’assassinat – d’aucuns diront au crime consensuel ou au sacrifice politique – du général Ibrahim Baré Maïnassara, chef de l’État, en 1999. Mais les crises n’ont jamais atteint l’ampleur de celles traversées par son puissant voisin, le Nigeria, même en mettant dans la balance les deux révoltes des Touaregs en 1990 et 2007. En cinq décennies, le Niger n’a connu « que » quatre coups d’État : en 1974, Seyni Kountché renverse Hamani Diori ; Ibrahim Baré Maïnassara chasse Mahamane Ousmane (démocratiquement élu en 1993) du pouvoir en 1996, avant d’être à son tour renversé et assassiné au cours d’un putsch organisé, avec de nombreuses ramifications, par Daouda Mallam Wanké, en 1999. Celui du 18 février étant le dernier. Mais le Niger est surtout l’un des rares pays du continent où un Premier ministre tombe, le plus démocratiquement du monde, à la suite d’une motion de censure. Ce fut le cas en 2007 avec Hama Amadou. L’histoire s’est finalement écrite en pointillé, avec des turbulences, des ruptures, des bégaiements, des avancées, des récurrences, des reculs… Parfois, le pays a titubé, tangué, tel un bateau ivre à la recherche de son équilibre. Mais l’unité nationale a été préservée.


Militaires et acteurs politiques

Le Niger, c’est l’histoire des hommes qui l’ont marqué. C’est Hamani Diori, humble instituteur devenu le père de Hamani Dioril’indépendance, renversé en 1974 par le premier coup d’État militaire du pays. C’est Djibo Bakary, hors jeu depuis son choix du « non » en 1958 et qui tente un retour manqué par les armes en 1964. Mais c’est aussi l’intrusion de l’armée dans la vie politique nationale depuis 1974 et qui a fait des militaires non pas des grands muets, mais des acteurs politiques comme les autres. Le Niger, c’est également la Conférence nationale de 1991, qui instaure la démocratie.

En 1960, le pays n’était pas, loin s’en faut, la mieux lotie des anciennes colonies françaises. La grande majorité de la population vit de l’agriculture. Mais le territoire est prisonnier de son désert. Et il dépend des humeurs de sa pluviométrie, qui rythme les campagnes agricoles. Quand aucune goutte ne tombe du ciel, la famine sévit. À moins qu’elle ne soit le fait des criquets migrateurs. C’est arrivé en 2001 et en 2005. Lorsqu’on demande à un Nigérien qui avait 12 ans en 1960 où en est son pays, la réponse est claire : « La pauvreté s’est accentuée. Le pays n’a pas assez de ressources, et il n’y a pas grand-chose au niveau des infrastructures de base. » Dans le classement sur le développement humain, il occupe la queue du peloton, et sa dépendance à l’aide extérieure s’est accrue.

Pourtant, le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium. Ses mines sont parmi les plus productives depuis les années 1960 et, dans la décennie suivante, les recettes liées au précieux métal se sont nettement accrues. Comment alors expliquer l’extrême pauvreté des Nigériens pendant que leur pays produit un minerai stratégique  ? S’agit-il d’une « malédiction », comme certains le disent pour les pays pétroliers ? Il est indéniable que les Nigériens, en cinquante ans, n’ont pas réellement bénéficié de leur uranium. Pendant des décennies, c’est la France qui détenait le monopole de l’exploitation et de l’exportation de ce produit. Et c’est elle qui en achetait bareles deux tiers. Le Niger n’avait aucun droit de regard sur les opérations, les sociétés françaises le payant à partir de leurs propres calculs, qui aboutissaient à des prix sous-évalués. La question de leur revalorisation a longtemps été au cœur de tensions entre Paris et Niamey. C’est ce qui aurait coûté son fauteuil à Hamani Diori en 1974.

Mais la situation internationale a changé. La France a perdu son monopole depuis l’arrivée sur le terrain d’autres acteurs, dont la Chine. L’ex-président Tandja avait arraché, en 2008, un accord plus avantageux au français Areva. Un pas de plus vers l’indépendance ? Un espoir de progrès pour tous ? Peut-être. Mais à condition de ne pas attendre encore cinquante ans pour mettre à profit cette manne, même si le développement de ce pays vaste et aride est un parcours parsemé d’obstacles.

 

Niger : 50 années instables et fragiles

 

Pays sahélien par excellence, enclavé et en partie désertique, victime de crises alimentaires de grande envergure, le vaste Niger (1 267 000km2), classé parmi les pays les plus pauvres du monde, est un État fragile, politiquement instable -4 coups d'État et plusieurs rébellions-, qui reste très dépendant de l’aide extérieure. Il est présidé par le colonel Salou Djibou du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie,  depuis février 2010.

Petit royaume vassal de l’empire du Mali, le Songhaï prend son autonomie au début du XIVe siècle. Sous le règne de Sonni Ali Ber (1464-1492), les armées songhaïs conquièrent un immense territoire et constituent un vaste ensemble, qui atteint son apogée sous le règne de l'Askia Mohammed (1492 ou 1493-1528) : il étend alors sa puissance sur le Niger, le Mali et une partie de la Guinée et du Sénégal actuels, avant de se disloquer. En 1890, en concurrence avec les Anglais, les Français affirment leur main mise dans la zone (en 1899 la mission Voulet-Chanoine* sème la terreur), et en 1921 ils en font une colonie française.


Un cycle de régimes autoritaires

Devenu «territoire d’outre-mer» en 1946, le Niger acquiert son indépendance en août 1960. Hamani Diori, le premier président, qui eut un rôle actif dans le mouvement des Non-alignés et fut l’un des pères fondateurs de l’organisation de la Francophonie, est renversé en 1974 par un coup d’État militaire et remplacé par le lieutenant-colonel Seyni Kountché, chef d’un Conseil supérieur militaire. Kountché, très autoritaire et rigoureux, imprime sa marque en contribuant à améliorer le fonctionnement de l’administration.

En 1987, son chef d'état-major, Ali Seybou, lui succède avant d’être élu président en 1989. La revendication démocratique (émeutes étudiantes en février 1990) intervient alors que le régime est affaibli par les difficultés économiques et financières, et par la rébellion touareg apparue en 1990 dans l’Aïr, et en 1991 une Conférence nationale instaure le multipartisme, puis un gouvernement de transition civil est mis en place.

mahamane-ousmane-cdd2e.gifEn 1993, Mahamane Ousmane remporte l’élection présidentielle. Il signe, en 1995, un accord de paix avec la rébellion. En 1996, l’armée reprend le pouvoir, instaurant une phase de grande instabilité : le colonel Ibrahim Baré Maïnassara fait adopter une constitution de type présidentiel et est élu président. Il est assassiné en 1999 par des militaires dans un contexte de crise sociale et économique aiguë. L'armée rend le pouvoir en 1999 avec l’organisation d’une élection présidentielle qui donne la victoire à Mamadou Tandja, du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), l'ex-parti unique. Il est réélu en 2004 avec 65,53% des suffrages exprimés. Le second mandat du président Tandja sera marqué par une nouvelle grave crise alimentaire à partir de novembre 2004, par la reprise de la rébellion dès 2007 et le refus du président Tandja de quitter le pouvoir au terme de son second et dernier mandat en décembre 2009.  

Dés le début de 2009, le régime va se durcir avec la politique du «Tazartché» «continuer» en langue haoussa. mamadou-tandja-nigerDes campagnes orchestrées par le pouvoir prétendent que le président Tandja Mamadou doit rester au pouvoir au-delà de la fin normale de son mandat pour «achever son œuvre....C’est le peuple qui le lui demande». Progressivement courant 2009, ses partenaires politiques s’éloignent, les partenaires économiques étrangers placent le Niger au banc des nations. Le président Tandja veut passer en force : il organise un référendum constitutionnel le 4 août 2009 pour s’octroyer trois années de plus à la tête du pouvoir et prévoir un nombre illimité de mandats. Ce référendum va isoler un peu plus encore le pouvoir nigérien. Jusqu’au 18 février 2010. Ce jour là, un petit groupe d’officiers organise un coup d’État. Le président Tandja est destitué. Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie avec à sa tête le colonel Salou Djibo s’installe au pouvoir. Le CSRD met en place des institutions de transition et promet de remettre le pouvoir aux civils le 1er mars 2011.


Un cycle de sécheresses

L’économie du Niger repose largement sur son agriculture et se trouve donc très dépendante de l’évolution des conditions climatiques. Le pays fait régulièrement face à des difficultés alimentaires**, comme lors de la grande sécheresse de 1973. En juin 2005, plus de 3,3 millions de personnes souffraient à nouveau de la famine, à la suite d’une mauvaise saison des pluies et d’une invasion de criquets. L’uranium, dont le pays est le troisième producteur mondial, à égalité avec la Russie et derrière le Canada et l’Australie, est son principal produit d’exportation (il représentait, en 2003, 62,6% de ses exportations), mais il est lui aussi très dépendant des cours mondiaux qui sont en baisse constante depuis plusieurs décennies. À partir de 2005, le président Tandja s’engage dans la vente de contrats miniers : uranium et pétrole. Il en distribuera une centaine Les partenaires sont principalement des sociétés chinoises, australiennes et françaises. Le français Areva, n°1 mondial de l’uranium, partenaire historique du Niger dans l’exploitation de l’uranium remporte début 2008 le contrat d’exploitation du plus grand site uranifère d’Afrique : Imouraren.
 terre du nigerAppartenant à la catégorie des Pays les moins avancés (PMA), le Niger, qui a un secteur privé très peu développé, est également fortement tributaire de l’aide internationale (elle finance 60% de son budget opérationnel). En 2004, après avoir suivi les prescriptions du FMI, il bénéficie d’un allégement de 60% de l’encours de sa dette extérieure.

Depuis 2000, le pays a retrouvé une croissance positive. La situation économique et sociale du pays, face à une croissance démographique forte reste cependant toujours très fragile***, et elle se montre très sensible aux conséquences de la crise en Côte d’Ivoire : en 2005, une augmentation de la TVA sur les produits de première nécessité a entraîné un mouvement social important à travers le pays.

 

Les dates clé du Niger indépendant

 

Famines et coups d'État jalonnent le parcours du Niger indépendant. Il y eut quelques passages du rallye Paris-Dakar , au cours de ses 29 années d'existence en Afrique, la création du festival international de la mode africaine(2000), les jeux de la Francophonie (2005). Manifestations sportives et culturelles qui se glissent entre des évènements plus marquants et tragiques.

 

3 août 1960 : accession à l’indépendance. Diori Hamani est élu président de la république par l’Assemblée nationale.

1973: Une grande sécheresse touche l’ensemble du Sahel. La situation est critique. Le désert s’installe, les eaux des lacs s’évaporent, les nappes phréatiques touchent le plus bas niveau de leur histoire. Le désastre perturbe avant tout les activités humaines. L’agriculture est touchée. Les populations sont affaiblies. Les troupeaux sont détruits à près de 80%, causant le décès ou l’exil de milliers de nomades. L’approvisionnement en eau potable s’épuise. Les projets hydrauliques s’évaporent. Chez les touaregs sahéliens, on parle de «Monna», pour désigner les suites catastrophiques d’une année d’aridité.

15 avril 1974 : Coup d’État. le président Diori Hamani est renversé. Le lieutenant-colonel Seyni Kountché s’installe au pouvoir et impose une dictature. Le Niger est gouverné par un conseil militaire suprême (CMS) dirigé par le lieutenant-colonel Seyni Kountché. La Constitution et les partis sont suspendus. Complots et tentatives de coups d'État se succèdent les premières années. Le programme  De Seyni Kountché porte sur le redressement économique suite à la sècheresse, mais il est aussi marqué par une reprise de la coopération avec la France

10 novembre 1987 : Seyni Kountché décède à l'hôpital militaire du Val de Grâce à Paris. Le colonel Ali Saïbou s'installe à la tête de l’État et entame des réformes. Il remplace le CMS  par un Conseil suprême de l'orientation nationale (CSON), dont les membres sont élus. Élu président du CSON, Saibou devient ensuite le seul candidat aux élections présidentielles de 1989 qu'il remporte avec 99% des suffrages.

7 mai 1990 : Soulèvement de touaregs à Tchin Tabaraden dans la région de Tahoua au Nord. Les versions divergent : la version officielle parlent de l'attaque par 3 groupes distincts de la petite localité de Tchin Tabaraden, particulièrement, la prison, la sous-préfecture et la gendarmerie. Chez les touaregs, on parle d'une manifestation qui tourne mal. Manifestation pour dire la colère des nomades contre les conditions de vie dans les camps de fortune suite à la sècheresse : il y a plusieurs morts. Il s'ensuivra une vague d'arrestations et de répression : de nombreux camps de touaregs de la région sont anéantis  Des nomades enterrés vivants, brulés vifs : le bilan officiel de ces évènements sera de 70 morts. Les organisations internationales parlent de 600 morts. Les touaregs parlent de plus d'un millier de morts dans toute la région. Ces évènements vont annoncer le début de la rébellion qui débutera en novembre 1991 avec l'attaque du poste administratif d'In Gall.

29 juillet 1991 : Conférence nationale pour la paix civile.

Octobre 1991- Octobre 1994 : rébellion touareg dans le nord du Niger.

16 février 1993 : Premières élections démocratiques : législatives et présidentielle. Mahamane Ousmane est élu président de la République en avril.

Oct 1994- Oct 1995 : Signature des accords de paix entre le gouvernement et la rébellion à Ouagadougou (Burkina Faso). Les négociations de paix durèrent plus de deux ans. Établi par le Haut commissariat à la Restauration de la paix, le document avançe des idées nouvelles comme la décentralisation et l'autonomie régionale . Mais l'accord achoppe sur des problèmes de réorganisation territoriale et administrative et sur les questions de cantonnement des combattants de la rébellion et de l'armée nigérienne ainsi que sur le démantèlement des milices arabes. À la fin de l'été 1995, le processus de paix est gravement enlisé. L'exécutif nigérien paralysé par une cohabitation conflictuelle entre le Président Ousmane et son Premier ministre Hama Amadou semble jouer le pourrissement de la situation. Au sein de la rébellion, les luttes de pouvoir entre les deux leaders, Rhissa ag Boula et Mano Dayak tournent au profit du second. Mano Dayak disparaît dans un accident d'avion le 15 décembre 1995 (article du journal Libération)

27 Janvier 1996 : Coup d’État du général Ibrahim Baré Maïnassara . Le président Ousmane est destitué.

9 avril 1999 : Coup d’État. Le président Baré est assassiné. Le commandant Mallam Wanké chef de la garde présidentielle devient l’homme fort du Niger. (voir extrait d'un document HCR, pdf)

22 décembre 1999 : Mamadou Tandja est élu président de la République. Il sera réélu en décembre 2004.

Année 2005 : Grave crise alimentaire. Le président Tandja refuse de parler de famine. Crise entre le pouvoir nigérien et les ONG humanitaires. De novembre 2004 à septembre 2005, plus de 3,6 millions de personnes sur une population de 12 millions d’habitants sont frappés dont au moins 800 000 enfants.

8 décembre 2005. 5e Jeux de la Francophonie. Le Niger bat le Canada au football junior, 6 à 1.

Février 2007 : Reprise d’une rébellion touareg au nord du Niger. Le Nord est placé sous «état de mise en garde» . L'armée se déploie dans le nord . Les bilans des morts et des blessés sont lourds dans les deux camps. L'activité de la région d'Agadez est totalement paralysée. Le président Tandja refuse de parler de «rebelles». Pour lui il s'agit de «bandits armés». Le 20 septembre, le correspondant de RFI au Niger, Moussa Kaka est emprisonné et passera un an en prison avant d'être libéré. Le chef de l'État accepte de négocier un accord de paix avec la rébellion par l'entremise de la Libye du colonel Kadhafi, qui prévoit la réinsertion économique des jeunes combattants et le développement des régions du Nord. Aucun accord n'est officiellement signé. L'état de mise en garde prend fin à l'automne 2009.

13 janvier 2008 : Signature d’un accord minier entre le président Tandja et Areva n°1 mondial de l’uranium, pour l’exploitation du site d’Imouraren.

22 janvier 2009 : enlèvement prés de Tillabery de Robert Fowler émissaire onusien pour le Niger, de Louis Gay, ambassadeur du Canada au Gabon et de leur chauffeur. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) revendique quelques jours plus tard cet enlèvement. Libération en avril. Aqmi va tenter d'enlever des Américains à Tillabery et s'en prend à un poste militaire à la frontière avec le Mali au début de l'année 2010

Début 2009 : lancement du Tazartché («continuer sans s'arrêter» en haoussa)
Le président Tandja qui arrive au terme de son second et dernier mandat en décembre de la même année, tente tout pour rester au pouvoir. Avec ces proches et les médias d'État il va lancer une campagne nationale de propagande pour convaincre les Nigériens de lui accorder une prolongation. Ses principaux partenaires politiques le quittent. Les institutions du pays lui donnent tort. Malgré tout, il passe en force en organisant le 4 août 2009 un référendum constitutionnel qui lui permet de prolonger son mandat de 3 ans . Le climat politique et économique se détériorent. La communauté Internationale lâche le pouvoir nigérien.

18 février 2010 : Coup d'État . Le président Mamadou Tandja est destitué. Installation du  Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) qui dissout la Constitution et les structures de l'ancien régime. Il est présidé par le général Salou Djibo. Promesse d’un retour à un pouvoir démocratique pour le 1er mars 2011.

2010: Nouvelle crise alimentaire. 8 millions de Nigériens touchés par la malnutrition.

20 avril 2010. L'Aqmi enlève un Algérien, un Français et leur chauffeur nigérien. Le 26 juillet, l'Aqmi annonce l'exécution de l'otage français, Michel Germaneau, 78 ans, en représailles à une tentative de sauvetage des armées française et mauritanienne dans le nord du Mali.

 

Interview de Djibo Hamani : «Si les élections avaient été libres, le Niger aurait voté non au référendum gaulliste de 1958»

 

djibo-hamani_344x257_0.jpgDjibo Hamani est historien et professeur, chercheur à l'université Abdou Moumouni de Niamey. Spécialiste de l'histoire pré-coloniale, il a consacré divers ouvrages à la question touarègue. Pour lui, l'indépendance des pays africains n'est pas acquise et il manque encore beaucoup d'éléments pour se forger un avenir.

RFI : Où étiez-vous en août 1960 ?

Djibo Hamani : Vraiment, je ne sais pas exactement. J'étais au collège, ça c'est sûr. Cette année-là, j'ai participé à un concours inter-africain, réservé aux anciens de l'AOF (Afrique occidentale française) et donc, j'ai passé mes vacances en France ou au Niger... Je ne me souviens absolument pas.

RFI : Vous aviez quel âge ?

D.H.: J'avais 16/17 ans. Je n'avais pas d'ambitions précises. Je voulais faire médecine ou agronomie. Je ne songeais pas à l'histoire.

RFI : À 17 ans, que retenez de cette période ? Avez-vous un souvenir fort du passage de votre pays à l'indépendance ?

D.H. : Je ne me préoccupais pas de cela. Je n'étais pas conscient de ce que cela représentait en réalité. À cette époque-là, il y avait eu une certaine évolution qui faisait qu'il y avait une certaine liberté et une inconscience politique. Nous étions très intéressés par les problèmes politiques mais nous n'étions pas réellement conscientisés. Nous, on était à Niamey à l'internat. On était ensemble, donc entre nous, très peu en ville. La première chose que l'on fait quand les vacances arrivent,  c'est de fuir et de rejoindre nos différentes familles. Moi, j'étais à 550 km de Niamey, à Tahoua. La seule chose qui nous intéressait, c'était les cours, avoir de bonnes notes en classe, être performants, être félicités, recevoir des prix.

RFI : La France représentait quoi pour vous ?

D.H. : J'étais en vacances en France à ce moment-là. C'était quelque chose d'extraordinaire, de formidable. Mais nous avons une certaine chance aussi : il y avait beaucoup de Français [au Niger] non seulement les professeurs mais aussi les élèves. Donc, ce n'était pas quelque chose de lointain. Aujourd'hui, les Français qui sont ici sont dans les cours du lycée la Fontaine [lycée français de Niamey], et ils ne sont pas dans les écoles nigériennes. Avant, on était ensemble. Il y avait plusieurs France : celle qu'on a connu à l'école, dans les chants, les récitations, les poèmes et les romans. Quelque chose de lointain, merveilleux, puissant,  et celle qu'on voit à Niamey, avec des personnes sympathiques ou pas, une France variée. La seule chose qui nous a peut-être marqué : c'est l'indépendance du Congo. Il y avait des chansons, il y avait Lumumba. Evidemment, on était tous pour Lumumba contre ses adversaires. Mais nous n'avions pas de formation politique. On l'a eu après, plus tard, quand on était étudiant.

RFI : Je fais appel non pas aux souvenirs du collégien, mais à l’analyse de l’historien. Cette indépendance, elle a été vécue comment au Niger ? Comme le début d’une ère nouvelle, comme un passage naturel, comme un passage obligé, comme une séparation ?

D. H. : Je pense que l’indépendance au Niger a été différente de tout ce qui s’est passé dans les autres anciennes colonies françaises. C’est quelque chose de tout à fait spécifique parce qu’il y avait quelque chose d’assez (rires),  d’assez peu ordinaire. Il est certain qu’en 1958, si les élections avaient été libres, le Niger aurait voté non au référendum gaulliste. Mais il se trouve que le parti au pouvoir n’avait pas véritablement de pouvoir sur le plan administratif. Le parti au pouvoir a commis beaucoup d’erreurs. La France était en guerre en Algérie et le parti au pouvoir a soutenu le mouvement de libération en Algérie; il a montré beaucoup de velléités et il avait même des amis à lui, même des amis français qui lui ont dit «écoutez, de Gaulle est décidé à ne pas accepter la victoire du non au Niger et même si vous votez non, c’est le oui qui sortira des urnes». Ensuite, c’est ce que Guy Mollet aurait dit à Djibo Bakary qui était chef, une sorte de président du Conseil. Ensuite, le parti au pouvoir était allié à la chefferie, ce qui était déjà quelque chose d’assez spécial parce que un parti de gauche allié à la chefferie..... Ensuite, il y avait d’autres alliés parmi les intellectuels qui étaient pro français depuis toujours. Ce qui fait que petit à petit, comme dans un de nos contes, ces gens-là l’ont abandonné. Mais il est absolument certain qu’il avait su et d’ailleurs, dans les archives, on voit que l’administration coloniale française était consciente justement de l’impact du discours de ses partisans sur la population et donc que la population lui était acquise. Mais il ne fallait surtout pas qu’un parti au sud de l’Algérie et soutenant la lutte du FLN [Front de libération nationale] arrive au pouvoir au Niger. Le parti au pouvoir avait été suffisamment averti mais malgré cela, il a décidé de voter pour le non. Il n’a pas eu la plasticité d’un certain Modibo Keita [le père de l’indépendance au Mali]. Et donc il a voté pour le non. Et évidemment, tous les moyens ont été mis en œuvre pour que le non ne passe pas. Et le non n’est pas passé.

RFI : Qu’est-ce qui s’est passé concrètement ? C’était en 1958 donc ?

D.H.: C’était en 1958 et ce qui s’est passé, c’est que pendant ces deux années là, le parti RDA (Rassemblement démocratique africain) qui était un parti minoritaire surtout ancré dans l’ouest du pays, et ce parti, avec l’appui de l’administration coloniale, s’est allié aux anciens alliés du parti Sawaba qui était le parti qui prônait l’indépendance immédiate, et avec un appui solide de l’administration, est devenu le parti majoritaire. Il y a eu des fraudes massives : les chefs des cantons sont venus habillés de jaune dans les salles de vote pour montrer aux gens quelle couleur il fallait prendre (rires). Léopold Sédar Senghor, qui tout en votant oui était de la même fédération des partis que le parti nigérien de Sawaba , a dit qu’au vu du résultat du référendum au Niger,«tous les chameaux du Niger se sont tordus la bosse de rire». Donc effectivement, c’était prévu d’avance et ce sont des élections qui ont été truquées. D’ailleurs il y a eu, je crois, un quart des personnes qui se sont déplacées pour le vote.

RFI : Et ça veut dire qu’à la suite de cela, les partisans du non ont été durement réprimés ?

D.H. : Ils ont été très durement réprimés. Les quelques chefs qui sont restés fidèles à ces partisans du non ont été destitués; les gens ont été emprisonnés et d’autres ont été obligés de fuir. Certains sont morts etc… Il y a eu une répression féroce,  effectivement au sein du parti au pouvoir. Il n’était que l’un des partis qui prônait le oui mais il a fini,  avec l’appui de Houphouët-Boigny*,  par phagocyter tous les autres partis et par devenir le parti majoritaire. Et ils ont réprimé sérieusement d’autant plus qu’il n’avait pas beaucoup d’assise dans beaucoup de régions.

RFI : Cela signifie que l’indépendance en 1960 a été un ouf de soulagement. Enfin, on arrivait à sortir de cette ornière du colonisateur. C’était ça ?

D.H. : L'indépendance, bien sûr dans l’absolu, c’est une bonne chose mais enfin,… Je ne peux pas vous dire exactement quels étaient les sentiments puisque moi je ne l’ai pas vécu, je ne peux pas vous dire de façon consciente. Et puis, d’autre part,  les élèves, les étudiants n’étaient pas réprimés, c’est-à-dire qu'on acceptait plus facilement leur opposition. Même lorsque, par exemple,  on a institué l’obligation d’avoir la carte du parti qui était devenue plus importante que la carte d’identité, à nous on ne nous la demandait pas. Ce sont les gens qui s’intéressaient à la politique surtout qui étaient réprimés. Sinon, au niveau du peuple, hier comme aujourd’hui, la préoccupation essentielle de notre peuple, c’est de se nourrir. C’était au jour le jour. Les combats politiques, c’est souvent une petite minorité qui les mène. Le peuple s’intéresse à autre chose.

RFI : Djibo Hamani, vous, cinquante ans plus tard en tant qu’historien, mais aussi en tant que citoyen, quel bilan faites-vous de cette indépendance ? Est-ce que le Niger a acquis sa pleine autonomie sur le plan institutionnel ?

D.H. : Non. Les pays africains qui sont pleinement indépendants se comptent sur les doigts de la main. Ce n’est pas le Niger seulement et puis le Niger n’est pas du tout un pays indépendant : juridiquement, il l’est, comme les autres. Il est aux Nations unies. Il est reconnu partout. Il  a son drapeau. Il a son président. Il  est respecté sur le plan international. Mais quand on regarde quels sont les critères de l’indépendance, il n’y a presque pas de pays africains qui sont indépendants.

La première des indépendances, c’est d’abord de se nourrir et de ne pas attendre de l’extérieur qu’il vous aide pour nourrir votre population. Je peux comprendre qu'un pays totalement désertique soit obligé d’acheter la nourriture à l’extérieur, mais un pays qui a des possibilités agricoles et qui ne nourrit pas sa population, évidemment on ne peut pas l’appeler un pays indépendant. Ce qui se passe aujourd’hui le prouve, c’est que nous attendons de l’extérieur qu'il nous aide à nourrir la population parce que nous sommes totalement dépendants de la pluviométrie. Pendant les cinquante ans, nous n’avons rien fait pratiquement pour la maîtrise de l’eau, des eaux souterraines. Il n’y a rien pour les barrages, il n’y a absolument rien du tout. Ça c’est le point de départ. Ensuite, en ce qui concerne les produits qu’on consomme depuis les produits textiles jusqu’à les produits de consommation, des ustensiles de cuisine ou autres, tout est importé. Ce n’est pas un pays indépendant. S’il était indépendant, nous n’aurions pas eu la tutelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Sur le plan de l’éducation, il est absolument certain que le gouvernement Diori Hamani, le premier président qui a passé 15 ans au pouvoir, a réalisé beaucoup plus que la colonisation en 60 ans. Mais en fin de compte, cette éducation doit être conforme aux possibilités et aux activités du pays. On forme des cadres pour des usines qu’on crée, des entreprises qu’on crée, des services qu’on crée, et non pas des cadres qui vont au chômage. Malgré le très faible niveau de scolarisation au Niger, nous avons énormément de gens qui finissent leur maîtrise ou leur doctorat, et qui sont au chômage. On a développé l’éducation, mais pour quoi faire ? Pour faire des chômeurs, est-ce que c’est ça qu’il faut faire ?

Le problème n°1 après la question de la production agricole, c’est le problème de la croissance, du développement des autres secteurs de l'économie, pour que les jeunes qui arrivent trouvent du travail. Aujourd’hui, on forme des gens mais pas en rapport avec la physionomie économique ou la configuration économique du pays.

RFI : Professeur,  qui est responsable de tout cela ?

D.H. : Nous. Ça fait cinquante ans que nous sommes indépendants, nous n’avons plus à rejeter la faute sur quelqu’un.

RFI : Comme la plupart des pays francophones, le Niger a copié les institutions politiques, juridiques de la France. Est-ce que le Niger n’a pas perdu un peu de sa force et de son âme dans cette copie, dans ce copier-coller des institutions de la puissance coloniale ?

D.H. : Bien sûr, c’est une aberration, c’est une extraordinaire aberration… Moi, il m’est arrivé à plusieurs reprises de leur dire: «Écoutez, les gens qui ont fait la Constitution française sont des gens qui ont reçu la même formation que vous. Vous avez été en France, vous avez étudié avec ces gens-là. On vous a donné le savoir nécessaire pour que vous puissiez conduire les affaires de votre pays. Et vous savez très bien qu’une constitution, c’est d’abord le reflet de l’histoire, des traditions, et des aspirations d’un pays. Alors faites la même chose ! Ne copiez pas !». Mais la première chose qu’ils font, c’est de se précipiter pour savoir ce que la Constitution française dit, de l’apprendre et de l’apporter ici et puis de faire quelques adaptations. J’ai lu dans une revue de la faculté des sciences juridiques, qu'un professeur -je ne sais pas si c’est un Français ou un Belge- en tout cas un francophone, disait qu’à chaque fois, il répétait aux Africains : «Élaborez vos textes en fonction des réalités de vos pays. Ne cherchez pas à copier quelque chose». C’est pour ça que je dis que s’il y a quelqu’un qui est responsable, c’est nous. Ce n’est pas quelqu’un d’autre.

RFI : Il faudrait aller puiser les règles dans la tradition, dans ce passé riche d’un pays comme le Niger ?

D.H. : Nous avons un passé très riche. Nous avons des traditions d’organisation de l’État qu’on ne peut pas copier comme ça intégralement, mais dont on doit s’inspirer comme les autres s’inspirent de leurs traditions de leur passé. Si nous rencontrons les mêmes problèmes,  voir comment ils les ont abordés et réglés. Les institutions, c'est de la science humaine. La Mongolie, ce n’est pas le Niger. Le Niger, ce n’est pas l’Indonésie etc…

RFI : Vous parlez de Constitution, de nouvelle Constitution. Le Niger est à un nouveau tournant de son histoire actuellement avec cette période de transition qui a suivi le coup d’État contre le président Tandja. Qu’est-ce qu

’il faudrait faire pour ne pas rééditer les erreurs et faire que le Niger entre dans peut-être une véritable ère d’indépendance totale et de plénitude ?

D.H.: Ce qu’il faut faire d’abord, c’est de ne pas croire que les institutions toutes seules suffisent. Que les beaux textes, bien révisés, théoriquement bons, suffisent pour conduire un pays. Lorsqu’un pays stagne, lorsqu’un pays n’arrive pas à résoudre ses problèmes d’éducation, les problèmes, les contradictions, les frustrations, les révoltes se multiplient de façon exponentielle. Donc, il faut en même temps que les institutions non seulement soient assises sur un principe d’équité absolue pour tous les citoyens, toutes les régions mais en plus, il faut nécessairement que les pays avancent, que les gens aient un peu d’espoir, qu’ils sachent que s’ils souffrent aujourd’hui, demain leurs enfants seront mieux. Mais lorsque l’horizon se bouche, on cherche chaque fois la petite bête. L’État, les responsables sont assaillis par tout le monde.

RFI : Il faut donc revenir aux fondamentaux : que le peuple puisse manger à sa faim, qu’il puisse être éduqué, qu’il puisse être soigné ?

D.H.: Absolument, et il faut que les peuples soient conscients que ceux qui dirigent sont là pour tout le monde. Dans la tradition nigérienne, lorsqu’un roi arrive au pouvoir, il y a des cérémonies qui sont organisées et dans ces cérémonies, d’abord le roi est dépouillé, il est mis presque à demi nu et il est mis dans des conditions d’humiliation. Ensuite il renaît et il y a une cérémonie où il devient comme un marié, avec du henné aux pieds. Il épouse le pays. Ensuite, il y a un discours qui lui est administré où on lui dit maintenant : «Tu as tout oublié. Ceux qui t’ont fait du bien, tu as oubliés. Ceux qui t’ont fait du mal, tu as oubliés», c’est-à-dire que «tu ne peux pas prendre les biens de l’État pour donner à quelqu’un qui t’a fait du bien, et tu ne peux pas en vouloir à quelqu’un et te servir des pouvoirs de l’État pour te venger de quelqu’un qui t’a fait du mal». Il devient en fait  le mari du pays, donc le père de tout le monde. On n'a pas repris cette idée, ni celle de la valeur du travail, celle de se perfectionner ou du respect de la loi et des institutions. Le phénomène de la corruption est un phénomène incandescent. Il apparaît partout, notamment dans l'achat des voix, la politique de l'argent...

RFI : Professeur quel est le Niger dont vous rêvez  ?

D.H. : Je rêve d'un pays qui se connaisse. Les dirigeants et les cadres doivent être tout à fait informés des réalités du pays sur le plan économique et social. D'un pays qui s'aime et qui veut s'en sortir et d'un pays réaliste. Qui fait ce qu'il peut faire et qui ne cherche pas à imiter des pays dont le PIB est 100 fois supérieur à celui du Niger. L'objectif est de satisfaire les besoins de la population :  se nourrir, se vêtir, se soigner, s'instruire et avoir de bonnes relations avec tous les pays du monde.

 

 Par Christine Muratet

Source Rfi.fr

__________
* La Colonne infernale Voulet-Chanoine. Article du Monde 26/9/1999 sur le site de la Ligue des droits de l'homme-Toulon
** Le cri d'alarme de l'Onu face à la crise alimentaire au Niger (article 27/4/2010 RFI)
*** Statistiques économiques actualisées. INS.

Source: Les 100 clés de l'Afrique, Philippe Leymarie et Thierry Perret, Hachette Littérature/RFI, 2006

À lire : Georges Condat, président de l'Assemblée territoriale : témoignage d'un vétéran de la coloniale et de l'indépendanceLe Sahel. 18/12/2008

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