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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 01:13
 

Luc Rigouzzo, Directeur général de PROPARCO


L'Europe peine à saisir les mutations profondes qui s'opèrent sous ses yeux, de l'autre côté de la Méditerranée. Quand on pense à l'Afrique aujourd'hui, on revoit l'Afrique d'il y a trente ans : un continent vide et rural, peu créateur de valeur ajoutée mais regorgeant de matières premières, quelques comptoirs urbains répartis sur les côtes, des problèmes de gouvernance et parfois des conflits. En 1980, l'Afrique comptait en effet 480 millions d'habitants, dont seulement 130 millions vivaient en ville, parmi lesquels un tiers, soit 40 millions, étaient considérés comme solvables. Le Maghreb, l'Afrique du Sud et le Nigeria représentaient ensemble 65 % du PIB du continent. Une telle vision est réductrice aujourd'hui car c'est en réalité un grand marché de consommateurs qui émerge en Afrique subsaharienne.


Les raisons de ce changement sont multiples. La première est démographique. Avec une croissance de la population la plus rapide au monde (3 % par an), l'Afrique pourrait compter deux milliards d'habitants en 2050. Et pour la première fois, la population en âge de travailler sera largement plus nombreuse que la population dépendante, créant un « dividende démographique » pour le continent. Avec moins de personnes à charge, les surplus des économies générés par les actifs s'orienteront vers la consommation et l'investissement.


Le phénomène d'urbanisation est peut-être le plus exceptionnel. De 28 % en 1980, la population urbaine sera majoritaire en 2030. En estimant qu'un tiers de ces citadins seront des clients solvables, c'est un marché de 300 millions de consommateurs qui s'ouvre aux portes de l'Europe. Croissance démographique, urbanisation, dividende démographique... L'Afrique est en train d'emprunter le même chemin que les pays émergents avant elle, notamment l'Inde et la Chine. On assiste à l'émergence d'un véritable marché intérieur, qui sera le principal moteur de la croissance africaine.


L'émergence d'une classe moyenne africaine, principalement urbaine, suscite de nouveaux besoins : se nourrir, se loger, se vêtir, communiquer ou encore se déplacer. Les entreprises qui réussiront à se développer sur le continent seront celles qui sauront répondre aux besoins de ces nouveaux consommateurs. C'est donc dans les secteurs des infrastructures (cimenterie, télécommunications, eau, énergie), des services, notamment financiers, et des biens de consommations courantes que se situent les nouvelles opportunités d'investissement. Les parts de marché sont à prendre aujourd'hui.


Certes, parmi ce milliard de citadins, une partie importante vivra dans les bidonvilles et restera en marge de ce grand courant commercial. Mais les modèles « Bottom of the pyramid » ont montré que rentabilité et réduction de la pauvreté n'étaient pas incompatibles. Ceci implique d'être innovant et d'offrir des produits et des modèles de distribution adaptés aux populations les plus pauvres.


Si les investissements sont aussi faibles aujourd'hui, c'est parce que le risque perçu est supérieur au risque réel. Pourtant de nombreux signaux témoignent déjà du dynamisme de ce marché : des taux de croissance compris entre 5 et 6% ces dernières années, l'arrivée de fonds d'investissement spécialisés sur le continent ou le développement des places boursières sud-africaine ou nigériane par exemple.

Un certain nombre d'investisseurs l'ont déjà compris. La mise en bourse récente de CFAO, filiale du groupe PPR et leader de la distribution spécialisée en Afrique, a été un succès. De nombreux projets fleurissent, de plus en plus destinés aux marchés locaux : logements, infrastructures urbaines, énergie, eau, télécoms, agro-industries... Ce sont les opérateurs émergents qui ont le mieux compris cette dynamique et qui se lancent à l'assaut du continent, qu'ils soient africains (nigérians ou sud-africains), méditerranéens (marocains ou turcs par exemple) ou asiatiques (chinois notamment).

L'expérience de PROPARCO démontre qu'investir en Afrique est rentable. Depuis trente ans, elle consacre la moitié de ses engagements au continent, dans la fourniture de services aux plus pauvres. Avec un taux de rentabilité aux actionnaires proche de celui du CAC 40, nous constatons au quotidien que le continent peut-être la prochaine frontière de la croissance mondiale.

Plutôt que de rester repliés sur le « vieux monde » - qui ne représente qu'un cinquième de la population mondiale et croit à 2 % - les investisseurs auraient donc tout intérêt à s'intéresser au potentiel inexploité du continent africain.


Source : http://www.lexpansion.com/afrique/l-afrique-prochaine-frontiere-de-la-croissance-mondiale



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