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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 18:52

 

 

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Madagascar,  plongée dans une profonde crise politique et économique depuis 2008, a célébré le samedi 26 juin 2010 le cinquantenaire de son indépendance. Les cérémonies officielles, conduite par  Andry Rajoelina se sont bien passées, mais elles  n’ont pas permis un dégel des tensions entre la classe politique malgache qui a fêté chacune de son côté. C’est donc un État sans président élu, sans constitution et divisé qui a rémémoré 50 ans d’une étape cruciale de son histoire.


 

MadagascarAvant la réception au palais présidentiel, la journée commence par le traditionnel défilé militaire. Une cérémonie boycottée par l’opposition et une bonne partie du corps diplomatique. L’ambassadeur de France, lui, était présent au nom des liens historiques entre les deux pays, et à préciser qu'il répondait à l’invitation de l’armée malgache et non au régime en place.

Le show a démarré avec des explosions aux couleurs du drapeau malgache, rouge, vert et blanc. Pendant près d’une heure, jets d’eau, lasers et feux d’artifice ont égayé le public qui s’était massé par milliers autour du lac Anoush. Arrivée tôt avec ses deux fils pour avoir une bonne place, Annick veut oublier un peu la politique « La fête, c’est pour tous les Malgaches. On oublie au moins pour cette journée, parce qu’on en a marre de la crise ».

L’opposition boude les festivités, se désolant du contexte. Une impasse politique qui lui gâche le moment. Mais la majorité a visiblement choisi de faire une trêve. Alfred a profité toute la semaine des concerts gratuits et s’est régalé avec le feu d’artifice du 25 juin « Malgré les difficultés que tout le monFete_Independance_26062010_01_0.jpgde a actuellement, on n'en attendait pas moins de n’importe quel gouvernement, quel qu’il soit. Il fallait que cette soir ée soit grandiose. Et ce n’est pas une félicitation à un quelconque gouvernement. C’est une  félicitation à tous les Malgaches ».

Lalaina est étudiant en géographie. Lui aussi est venu s’amuser et ne boude pas son plaisir. Pourtant, ces spectaculaires festivités sont aussi, à ses yeux, une opération séduction du régime d’Andry Rajoelina : « Le pouvoir dépense trop d’argent et le peuple le sait. Mais le peuple veut aussi d’autres choses pour se divertir... ».

La crise politique reprendra donc ses droits une fois la fête finie. Mais en attendant, les Malgaches comptent bien profiter de leur week-end. Après tout, on n’a pas cinquante ans tous les jours.


Andy RajoelinaDans son discours à la nation, tôt le samedi matin, Andry Rajoelina s’est projeté vers l’avenir. Ces cinquante prochaines années qui doivent être pour Madagascar celles du développement et de l’espoir.

En attendant, le bilan de ce premier demi-siècle d’indépendance est pour le moins frustrant. « Toutes les années il y a des crises politiques à Madagascar, explique Mario qui malgré sa résignation ne s’est pas privé d’assister au défilé militaire. Mais ce n’est pas un problème pour nous. Le but c’est de fêter notre indépendance ». Malgré cette morosité qui entoure les festivités,  le public a été conquis notamment grâce au tout nouvel écran géant dans le stade de Mahamasina qui permet d’apprécier encore mieux le spectacle.

Quelques heures plus tard, dans le cadre moins prestigieux d’un parking ravagé d’une entreprise de Marc Ravalomanana, l’enthousiasme est le même. L’ancien président en exil, qui s’est exprimé par téléphone, est acclamé par ses supporters. Les adversaires du régime de transition se sont réunis sur ce parking pour fêter à leur manière le cinquantenaire. « J’ai fait la fête pour ma patrie mais pas pour les autorités », racontePour moi à Madagascar il n’y a pas d’État de droit ». un homme dans la foule qui rejette le pouvoir actuel.

Le régime au sud de l’avenue de l’Indépendance, l’opposition au nord, et au milieu sur la large artère et dans le parc d’Ambohijatovo, le reste de la population qui a, avant tout, voulu faire la fête et ne s’en est pas privé.

 

L’ambassadeur français, seul présent à ces festivités

 Les chancelleries n'ont pas réussi à adopter de positon commune sur la conduite à tenir pour les cérémoniesune ambassadeur juin 2009 officielles marquant les cinquantenaires de l'indépendance de la grande île.  Il semblerait que les représentants de l'Union européenne doivent briller par leur absence. L'UE ayant voté tout récemment des sanctions à l'encontre du régime Rajoelina en raison du non-respect des accords signés, sensés mettre fin à la crise malgache. Mais les subtilités politico-diplomatiques ont justifié le choix français. L'ambassadeur Jean-Marie Châtaigner s'est retrouvé un peu isolé dans la tribune  et a assisté au défilé militaire parce que ce sont les forces armées malgaches qui l'ont invité. Difficile de refuser puisque les militaires malgaches seront eux-même invités à défiler le 14 juillet prochain à Paris.

Toutefois, l'honneur sera sauf puisque l'ambassadeur français  ne participe pas à la garden-party organisée par Andry Rajoelina. La présence française, explique-t-on, est un hommage rendu à la nation malgache. La France, ajoute-t-on, a donné suffisamment de gages de clarté. Andry Rajoelina n'a pas été invité au sommet France-Afrique de Cannes et ne sera pas non plus convié à la fête nationale française du 14 juillet.

 

Un cinquantenaire amer...

Habituellement la commémoration de l'indépendance est un temps de communion nationale assorti de rites bien ancrés. Les enfants défilent dans les rues à la nuit tombée en brandissant des lampions, héritage paradoxal du 14-Juillet colonial, et chaque maison arbore le drapeau national. Mais en cette année du cinquantenaire de l’indépendance, la crise politique a affecté même ces traditions consensuelles. Certains opposants au pouvoir de transition d'Andry Rajoelina, ont appelé à ne pas hisser les drapeaux pour protester contre le caractère antidémocratique du régime. De leur côté, les autorités ont martelé que l’accrochage du drapeau était un « devoir » pour tout Malgache.
À Manarintsoa, un quartier populaire d’Antananarivo, ces querelles laissent les habitants indifférents. « On travaille et on ne pense pas trop à ce cinquantenaire », affirme Lalao, qui assure de quoi manger à ses quatre enfants en tressant du raphia. Son mari glane quelques centimes en fabriquant des cintres à l’aide de tiges de fer. Encore ont-ils un toit de tôle sur leur minuscule maison.


Protester contre le caractère antidémocratique du régime


" Les hommes au pouvoir sont affamés", remarque le P. Alain Thierry Raharison, secrétaire général de la Commission épiscopale Justice et Paix. Ils profitent de la situation pour s’agripper, alors qu’ils ne devraient être là que pour expédier les affaires courantes et organiser des élections. »
Dernier exemple en date : la délivrance d’un permis d’exploration du gisement de fer géant de Soalala au consortium chinois Wisco, qui prévoit d’investir 6,5 milliards d’euros et a promis à la Haute Autorité de la transition (HAT) une commission de 81 millions d’euros. Cette dernière justifie la conclusion de tels contrats par la suspension des aides budgétaires internationales, qui représentaient 40 % du budget de l’État (2 milliards d’euros au total). Résultat : sur les neuf premiers mois de l’année, les dépenses publiques ont diminué de 325 millions d’euros par rapport à la même période de l’année précédente, et diverses catégories de fonctionnaires se sont mises en grève.
« Le pays s’enfonce lentement »
, résume un représentant de la communauté internationale, qui espère toutefois en la capacité des Malgaches de parvenir, in fine, à un consensus

 

 

Indépendance de Madagascar: Quels regards politiques sur les 50 ans écoulés


LOGO-TSIRANANA-0478On a fêté le 26 juin les 50 ans de la République malgache, mais pour beaucoup, ce n’est qu’en 1972 que le pays a conquis sa véritable indépendance. Jusqu’alors, l’ex-puissance coloniale française gardait la mainmise sur le pays.  «Jusqu’à 1972, il y avait une autre forme de dépendance, la France dirigeait encore tout», assure l’universitaire et militant historique Gabriel Rabearimanana.

 

L’élection à la présidence du francophile Philibert Tsiranana, les accords de coopération signés en 1960 maintenant une présence de très influents assistants techniques et militaires, la mainmise économique française… la première République est considérée comme une continuité de l’occupation coloniale, et pour beaucoup, ce n’est qu’à partir de 1972 que Madagascar a obtenu sa «véritable» indépendance.

Pourtant réélu avec 99,72% des suffrages en janvier, Tsiranana est cette année-là emporté inexorablement par une vague de grèves étudiantes et de violences. Lâché par la France, il confie les pleins pouvoirs au général Gabriel Ramanantsoa dès le 18 mai.

«C’était un réveil spontané. Nous nous sommes découverts culturellement, fiers d’être Malgaches», raconte Bekoto, l’un des membres du mythique groupe musical Mahaleo, apparu à cette époque sur le campus universitaire d’Antsirabe. Il a alors 17 ans, il est en première ligne, «frime» et «n’y comprends pas grand-chose». Il le reconnaît sans fard : «Derrière nous, derrière les grèves, il y avait nos oncles, nos grands-pères… Il nous disaient qu’ils en avaient marre et nous encourageaient


Communisme et malgachisation

Si 1972 est un premier jalon, le sentiment national est encore renforcé en 1975, quand Didier Ratsiraka prend les rênes du pays et instaure la IIe République. Le capitaine de vaisseau impose alors une politique de «malgachisation», qui se traduit par la suppression de l’enseignement en français, et la nationalisation des principales entreprises. L’accord de coopération franco-malgache de 1973 est remis en cause, et Madagascar sort même de la zone CFA. À l’inverse, l’auteur d'un petit livre rouge (Les fondements de la révolution malgache) engage son pays auprès des régimes communistes, notamment celui de Corée du Nord.

Brillant communiquant, Ratsiraka consolide ainsi avec vigueur l’identité nationale. Si Bekoto en parle comme d’une «mise au pas idéologique», une bonne partie de l’intelligentsia du pays soutient le processus. «Les gens étaient fiers et enthousiastes, on parlait de révolution», se rappelle Gabriel Rabearimanana. Lui le premier, il espère que «la bourgeoisie va se prendre en main, que la malgachisation ne sera pas une simple traduction de l’enseignement français…».

 

«Où va-t-on ?»

Las. Parmi les pays africains les plus avancés en 1960, la Grande Ile se délabre inexorablement, s’enfonçant alors dans une pauvreté - d’où elle n’a toujours pas émergé aujourd’hui.

Pragmatique, Didier Ratsiraka renoue les liens avec l’ancienne puissance coloniale au début des années 80. C’est l’époque de l’ajustement structurel, de la création de la COI (Commission de l’Océan Indien) où Madagascar doit cohabiter avec la France représentée par les îles de la Réunion et de Mayotte…

Le passage presque brutal au libéralisme ne va pas pour autant signifier un décollage économique, ni même épargner Madagascar de crises politiques.

En 1991, 1996, 2002 et encore aujourd’hui, le pays plonge dans des querelles intestines qui freinent son développement sans franchement faire reculer la misère ou progresser la démocratie. «En 1972, cela avait bien démarré, on se demandait : "Qui est-on ?". Presque 40 ans plus tard, on n’a pas vraiment avancé, et on se demande désormais "Où va-t-on ?"», témoigne Bekoto.

Depuis l’éviction du président élu Marc Ravalomanana en mars 2009, le pays est justement une nouvelle fois en période de transition politique. L’élaboration d’une Constitution pour la IVe République doit lui donner un système enfin adapté à sa culture et à ses aspirations. Et normaliser une bonne fois pour toutes ses relations avec la France, dont le rôle récent a été largement contesté ? Gabriel Rabearimanana n’en démord pas : «Nous ne somme pas encore totalement indépendants».


La démocratie de crise en crise

Aux marges de l'Afrique, mais proche de l'Asie par une partie de sa population, Madagascar a été monarchie durant deux siècles, puis une colonie française à partir de 1895, et un territoire d'outre-mer en 1946. Après une sanglante rébelllion, matée par une brutale répression, elle opte pour le statut de république au sein de la Communauté française en 1958. L’île - une fois l’indépendance recouvrée en 1960 - a été tour à tour social-démocrate (Ière République), nationaliste et révolutionnariste* (IIe), puis libérale, populiste et chrétienne (IIIe).

Bien que l’île partage une même langue et culture, et que la population soit issue d’un vaste métissage, les clivages régionaux ont été utilisés par l’occupant colonial, et par certains des régimes malgaches. Ils opposent surtout une élite économique et politique au sein de la population merina et betsileo des Hauts Plateaux, de lointaine origine asiatique, à des communautés plus africaines, dans les provinces côtières, qui ont le sentiment d’être délaissées. 

L’actuel homme fort du pays, Andry Rajoelina a promis d’instaurer «la vraie démocratie», mais son régime peine à rassembler les énergies pour respecter les valeurs du fihavanana (dialogue et harmonie).

De l'autocratie à la démocratie

P04-50.jpgDidier Ratsiraka
, officier de marine originaire de la côte Est, intelligent et ambitieux, porté au pouvoir par les militaires, instaure entre 1976 et 1991 un régime d’inspiration socialiste (parti unique et police politique) et tiers-mondiste. Dans les années 80, le pays en état de faillite est contraint d'appliquer les réformes économiques imposées par le FMI. La situation économique se dégrade. Après l'éclatement du bloc soviétique, en mai 1991, le pouvoir en place fait face à une grève générale illimitée.

 

La contestation est menée par le comité des Forces Vives qui réclament une réforme constitutionnelle et la démission du président. Le 10 août 1991, la Garde présidentielle tire sur les manifestants. Il y a plusieurs morts et des centaines de blessés. Il faudra attendre le 31 octobre pour que les Forces Vives et leur leader, Albert Zafy, signe un accord avec le gouvernement de Didier Ratsiraka. 

Albert Zafy assure la période de transition et est élu président de la IIIe république en 1993. Trois ans plus tard, il est destitué.

Didier Ratsiraka revient en «sauveur» en 1997, avec une politique «humaniste et écologique» et rejoint le petit club des «dictateurs sortis des urnes». L’amorce de redressement économique qui s’ensuit, fortement appuyé par la communauté internationale, n’est cependant pas venue à bout du ressentiment exprimé à l’égard de l’amiral Ratsiraka par les églises, et de larges secteurs de la population, notamment sur les Hautes Terres.

La crise de 2002, partie de la contestation des résultats de l’élection présidentielle de décembre 2001, débouche sur un double pouvoir – deux présidents, deux gouvernements, deux armées– et menace durant quelques mois l’unité nationale.

En quête d’un cinquième mandat, le président sortant - pour tenter de sauver son siège - n’hésite pas à pousser à un soulèvement des provinces contre la capitale, ou à monter sur le tard une dérisoire opération de mercenaires.

La mobilisation de la population dans la capitale et quelques grandes villes fait pencher la balance en faveur de Marc Ravalomanana, homme d’affaires et homme d’église.

En dépit de l’incompréhension manifestée par l’OUA [devenue l'Union africaine en 2002. NDLR] et par la France, restée son principal partenaire, Madagascar donne l’exemple d’un mouvement de protestation pacifique d’une ampleur exceptionnelle, orchestré par la Fédération des églises chrétiennes.
Fortement déconsidéré, l’ancien président Didier Ratsiraka s’exile en France, comme une partie de son entourage.

Un Berlusconi tropical


Marc-Ravalomanana.jpg Marc Ravalomanana
, issu de la bourgeoisie de la capitale dont il a d’ailleurs été maire à partir de décembre 1999, a mis en exergue son profil de self made man : ce Berlusconi* tropical, propriétaire de la société agro-alimentaire Tiko ainsi que de plusieurs radios et d’une télévision, s’est proposé de gérer le pays comme une entreprise, tout en y restaurant une morale chrétienne à laquelle il est attaché en tant que vice-président de la Fédération protestante. Adepte d’un prophétisme qui le rapproche du président américain contemporain Georges W. Bush, il veut «faire des pasteurs des agents du développement». Il est accusé par une partie de la classe politique de vouloir instaurer un régime théocratique, tout en favorisant l’implantation du Tiako i Madagasikara (Tim), un parti taillé sur mesure, et en continuant par ailleurs de réserver un régime privilégié à son groupe Tiko.

 

Dans le souci d’échapper à un partenariat trop exclusif avec la France, Marc Ravalomanana a renforcé la coopération avec les États-Unis, la Grande Bretagne et l’Allemagne. À l’actif également de son régime : une relance de l’éducation et de la santé gratuites pour les familles les plus démunies, la réhabilitation des routes, le lancement d’une campagne anti-corruption, le libellé des pièces et billets en monnaie pré-coloniale (l’Ariary). Deux énormes chantiers miniers sont mis en route à l’Est et au Nord. Au-delà des conséquences écologiques, les investissements et les redevances restent encore aujourd’hui parmi les principales ressources du pays.

Au passif, une dépréciation de 85 % de la monnaie nationale par rapport à l’euro en 2004, doublée d’une forte inflation (14 %); de fortes hausses en 2005 sur les prix du riz, de l’électricité, du pétrole; la question de l’amnistie au titre des évènements de 2002, non réglée; l’insécurité persistante...
La population ne ressent guère les effets de la croissance du PIB, du redémarrage de la zone franche, des remises totales de dettes, ou du régime préférentiel dont Madagascar bénéficie aux États-Unis (Agoa, Compte du Millénaire). Les deux tiers de la population vivent en dessous du seuil critique calculé par les organisations internationales; un tiers des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition ; l’espérance de vie moyenne est de 50 ans, et de 40 ans pour la catégorie de population la plus exposée.

Régulièrement félicité à Washington pour sa «bonne gouvernance», Marc Ravalomanana est réélu dès le premier tour en 2006. Il semble alors basculer, ses atouts devenant des handicaps. Son intransigeance transforme nombre de ses plus proches collaborateurs en farouches opposants; les avantages que s’arrogent le groupe Tiko étouffent les autres opérateurs économiques; sa foi et son engagement auprès de l’église réformée malgache insupportent les catholiques; sa méfiance vis-à-vis de la France devient viscérale.


Fin 2007, le régime reçoit un premier avertissement : lors de l’élection municipale, le jeune Andryandry rajoelina RajoelinaTanora MalaGasy Vonona (en français, Jeunes malgaches prêt**),qui a créé l'association"TGV", est largement élu à Antananarivo contre le poulain du régime [Hery Rafalimanana. NDLR].  

Andry Rajoelina, catholique et francophile, s’est notamment engagé pour sauver ses intérêts économiques dans la capitale, où ses marchés publicitaires sont menacés. Le jeune maire de 33 ans se présente d’abord comme un indépendant, mais le président Marc Ravalomanana a vite fait de le jeter dans les bras de l’opposition. Pendant un an, le pouvoir central multiplie les humiliations et, en décembre 2008, une goutte d’eau fait déborder le vase : suite à la diffusion d’une intervention de Didier Ratsiraka, Viva, la chaîne de télévision appartenant à Rajoelina, est interdite du jour au lendemain.

Décrédibilisée et désunie, l’opposition se range comme un seul homme derrière le maire, qui se présente d’abord comme un héraut de la liberté d’expression, puis élargit ses revendications sur des thèmes porteurs : l’opacité de la cession à une entreprise sud-coréenne de 1,3 millions d’hectares (alors que la terre est sacrée à Madagascar) ou l’achat d’un nouvel avion présidentiel, Force One 2, pour 60 millions de dollars…

Le 26 janvier 2009, la contestation explose : les locaux de la télévision et de la radio nationale sont saccagés, et les centrales d’achats du groupe Tiko pillés. Les manifestations se poursuivent, et quand le 7 février, Rajoelina veut installer son Premier ministre «insurrectionnel», la Garde présidentielle tire sur la foule, faisant une trentaine de morts. Un mois plus tard, la mutinerie d’une partie de l’armée sonne le glas de Ravalomanana. Le 17 mars, celui-ci remet son pouvoir aux militaires, qui le transmettent immédiatement à Rajoelina.

Crises en série

Depuis lors, Madagascar est dans une situation extraconstitutionnelle. À Maputo puis à Addis Abeba, des accords sont signés pour partager le pouvoir entre les «mouvances» de Andry Rajoelina et de Marc Ravalomanana, mais aussi des anciens présidents Didier Ratsiraka et Albert Zafy, remis en selle. Ils ne seront jamais appliqués. Au contraire, Rajoelina annonce unilatéralement qu’il va organiser des législatives, puis changeant son fusil d’épaule, un référendum, en août 2010, puis d’une présidentielle, en novembre.

Malgré la promesandry-rajoelinase de Andry Rajoelina de ne pas être candidat à ce scrutin, l’opposition ne désarme pas, continuant  inlassablement d’exiger l’application des accords signés en 2009. La communauté internationale a, dans sa grande majorité (à l’exception notable de la France, entre autre), la même position. Les bailleurs de fonds ont d’ailleurs quasiment tous suspendu leur aide – alors que le budget de l’État était financé à 70% par l’extérieur

 

À la crise politique se superpose ainsi une crise économique (l’arrêt de l’Agoa a directement provoqué la mise au chômage de dizaines de milliers de travailleurs), qui devient chaque jour plus insupportable pour la population.
Cinquante ans après son retour à l’indépendance, Madagascar donne ainsi l’image d’un pays au potentiel humain, agricole ou minier énorme qui n’a pas su exploiter ses richesses. L’expression que l’on prête au général de Gaulle, «Madagascar est un pays d’avenir… et le restera», est ainsi toujours d’actualité.

____________

* révolutionnariste : qui préconise la révolution, comme unique moyen de transformation de la société (Le trésor informatisé de la Langue française)
** du nom de Silvio Berlusconi, chef du gouvernement italien, homme d'affaires et propriétaire de plusieurs média.

*** L'association TGV est devenue un parti. "TGV" serait aussi l'acronyme d'une bande de jeunes Troup Gun 's Val à laquelle aurait appartenu Andry Rajoelina et est devenu son surnom, en référence aussi au Train à grande vitesse français. L'ascension de Rajoelina vers le pouvoir ayant été plutôt rapide.
 

Source : Les 100 clés de l'Afrique. Philippe Leymarie et Thierry Perret. Co-édition Hachette Littératures/RFI. 2006.

 

26 juin 1960 : Indépendance de Madagascar

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Madagascar est une île où l'on se déchire: les rois et reines des temps malgaches, les puissances coloniales et aujourd'hui, les présidents. Une économie soumise aux investisseurs étrangers et dont le développement reste mis à mal par les forces de la nature: les cyclones.

 

En 1958, Madagascar devient République malgache au sein de la Communauté française sous la présidence de Philibert Tsiranana.

1960. La République malgache accède à l'indépendance. Elle poursuit une politique de large coopération avec la France.

1965. Le président Tsiranana a un penchant pour l'autoritarisme; l'opposition est muselée. Le travail est décrété obligatoire pour mettre en valeur les richesses naturelles du pays.

1972. Dans la capitale malgache, les étudiants et les lycéens manifestent contre le soutien du Président Tsiranana aux intérêts français depuis indépendance. Sous la pression, il démissionne.

L'amiral Didier Ratsiraka, qui prend le pouvoir en 1975, prône l'entrée du pays dans le camp socialiste. A partir de 1990, il est confronté à la contestation.

1991. Portrait de la grande île, devenue l'un des pays les plus pauvres du monde depuis l'arrivée au pouvoir de Didier Ratsiraka. La corruption a provoqué la faillite de l'économie et l'insécurité.

2002. Marc Ravalomanana s'autoproclame président pour protester contre les fraudes électorales organisées par Didier Ratsiraka.

2009. L'histoire semble bégayer sur la Grande île. Le maire d'Antananarive, Andry Rajoelina, conteste la "dictature" du président Ravalomanana, organise des manifestations, et s'autoproclame président.

 

 

Les dates-clés de l'histoire de Madagascar

 
6 août 1896 : Madagascar est déclarée unilatéralement par l'Assemblée nationale «colonie française avec les îles en dépendant». Depuis 1883, les Français tentent d'imposer un protectorat à la reine Ranalavano III. En 1885, ils réussissent à prendre en charge les relations extérieures du royaume de Madagascar. Le protectorat est reconnu par les Anglais en 1890 mais est rejeté par les Malgaches. Les troupes françaises occupent le centre du pays. En janvier 1896, la France fait signer à la reine Ranalavano III,  la cession de Madagascar. Des révoltes éclatent dans l'île. Les insurgés infligent de lourdes pertes à l'armée française. Le général Gallieni débarque en août 1896 et conduit la «pacification» de l'île (100  000 morts). Il fait office de gouverneur jusqu'en 1905. Le 28 février 1897,  la reine est arrêtée, exilée à l'île de La Réunion puis en Algérie. Le lendemain de son départ, la monarchie merina est abolie par le pouvoir colonial.


30 décembre 1975 : Les Malgaches approuvent par référendum la constitution de la IIe République, instituant la république démocratique de Madagascar. Le nouveau régime s'affirme résolument marxiste et établit des relations privilégiés avec l'Union soviétique, prenant résolument ses distances à l'égard de la France.


17 septembre 1976 : La capitale Tananarive est rebaptisée Antananarivo. C'est l'imposition du français dans l'enseignement, l'alignement des examens malgaches par rapport à la métropole (le malgache est une épreuve de seconde langue étrangère au baccalauréat) qui a contribué à échauffer les esprits et provoqué les manifestations des étudiants en 1972. Le nouveau pouvoir veut satisfaire cette revendication et impose le malgache comme langue d'enseignement. Problème : il y a plusieurs langues malgaches et c'est celle des Hauts-plateaux, celle des mérine, qui est choisie. Didier Ratsiraka revient à l'enseignement en français dans sa période de réorientation politique, en 1985.


19 août 1992 : Adoption par référendum de la Constitution de la IVe république malgache. La rupture est définitive avec le socialisme. Le 10  février 1993, Albert Zafy, candidat des Forces Vives, remporte l'élection présidentielle avec 66,7% des suffages. Didier Ratsiraka qui était également candidat, obtient 33,26%.


29 décembre 1996 : Didier Ratsiraka est élu président avec 50,71% des votes.
Trois mois plus tôt, Albert Zafy a été destitué de ses fonctions. Dès le début de son mandat, le président Albert Zafy ne s'entend pas avec Francisque Ravony, le Premier ministre élu par l'Assemblée. Il obtient une réforme de la procédure de désignation en septembre 1995: désormais le Premier ministre est choisi par le président. Albert Zafy nomme Emmanuel Rakotovahiny. Mais les rapports avec le Parlement ne s'améliore pas et pour marquer son mécontentement censure le gouvernement d'Emmanuel Rakotovahiny, ce qui conduit à la destitution d'Albert Zafy.

 

: La Haute Cour constitutionnelle proclame Marc Ravalomanana président élu  avec 51,4% des voix, contre 35,9% à Didier Ratsiraka, au premier tour de l'élection présidentielle du 16 décembre 2001. Les résultats avaient été contestés par Didier Ratsiraka qui prétendaient avoir obtenu 40,61% des suffrages au premier tour contre 46,44% en faveur de Marc Ravalomanana. Ce qui obligeait à organiser un second tour. Appelée à trancher, la Haute Cour constitutionnelle (HCC), surnommée «Habituée à Changer les Chiffres» tarde à se décider. Les Malgaches descendent dans la rue pour soutenir Marc Ravalomanana, un self made man, homme d'affaires, maire populaire de Antananarivo qui bénéficie du soutien des églises. Marc Ravalomanana s'auto-proclame président en février 2002 et nomme un gouvernement le 4 mars. La confusion règne. Les deux «présidents» se retrouvent à Dakar en avril et trouvent un compromis, à l'arraché. Didier Rastiraka quitte le pays. Les États-Unis et la France reconnaissent la présidence de Marc Ravalomanana, respectivement le 26 juin et le 3 juillet soit un mois après l'investiture officielle. Marc Ravalomanana sera réélu en 2006.


21 mars 2009 : Andry Rajoelina devient président de la Haute autorité de transition. Les arrestations se succèdent à Madagascar confirmant la prise de pouvoir «militaire». Didier Ratsiraka revendique la présidence de la Haute autorité et Marc Ravalomanana annonce son retour. L'Union africaine puis la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) exclut Madagascar. Une série de rencontres entre Andry Raojelina, Marc Ravalomanana, Albert Zafy et Didier Ratsiraka à Maputo (août) et à Addis Abeba aboutit à un accord de partage du pouvoir, mais celui-ci est dénoncé en décembre 2009 par Andry Raojelina. Le 17 mars 2010, l'Union africaine décide de sanctions à l'égard de Madagascar. Une nouvelle série de rencontres à Pretoria en avril ne donne aucun résultat

 

 

Opinion

 

"Madagascar, qu’as-tu fait de tes 50 ans d’independance ?"

 
  Mcar_01.jpgAu regard de l’histoire, un demi-siècle est une courte période. N’oublions pas que les cinquante dernières années prolongent une évolution dont les premiers indices humains remontent au Vème siècle de notre ère. Il y a près de deux siècles, la monarchie merina avait obtenu la reconnaissance internationale de Madagascar pendant plus de soixante quinze ans : le traité conclu avec l’Angleterre par Radama 1er le 23 octobre 1817 conférait à celui-ci le titre de « Roi de Madagascar », alors même que son pouvoir ne s’étendait que sur les deux tiers du territoire. La célébration du cinquantenaire de l’indépendance recouvrée en 1960 ne doit donc pas occulter le passé. Elle nous offre au contraire l’opportunité d’approfondir la connaissance de notre histoire commune, pour reconnaître et apaiser les conflits d’autrefois, et pour surmonter les injustices et les malentendus passés qui handicapent toujours notre présent.
Les cinquante ans écoulés nous laissent un goût amer, il faut le reconnaître. Nous sommes loin de l’euphorie et des espoirs qui avaient accompagné la proclamation de l’indépendance par Philibert Tsiranana, le 26 juin 1960. Depuis lors, l’euphorie s’est muée en tristesse et en nostalgie, et les espoirs en déception et en doute. Les Présidents successifs, Tsiranana, Ratsiraka, Zafy et Ravalomanana, ont tour à tour promis monts et merveilles, déchaînant l’enthousiasme des foules sur l’ensemble du pays. Aucun d’eux n’a tenu parole, chacun s’est vu congédié par des citoyens déçus et frustrés.
Plus inquiétante, l’aggravation de la pauvreté n’échappe à personne. Si la population a quadruplé depuis 1960, journee-02-mars-2009-2-001-17h.jpgpassant de 5.183.000 habitants à environ 20 millions en 2010, le PNB par tête a diminué de moitié. En 1960, le citoyen pouvait acheter un kilo de riz avec une heure de travail payée au salaire minimum ; aujourd’hui, il y faut trois heures de travail. L’échec est encore plus grand, si on compare Madagascar avec des pays qui jouissaient d’un niveau comparable au nôtre en 1960, tels que la Corée du Sud ou notre voisine Maurice.
Enfin, nul ne conteste la dégradation de la qualité du vivre-ensemble. Les valeurs constitutives de notre identité malgache sont assurément présentes dans les esprits comme dans les discours, mais elles semblent avoir perdu leur force opératoire. La tolérance et l’hospitalité, le respect des anciens et la non-violence, qui valaient à Madagascar l’estime des autres nations, ont largement disparu des pratiques sociales. Le fihavanana, qui pourtant symbolise la civilisation malgache, ne créé plus l’unanimité des cœurs et des pensées.
Loin de pousser au découragement ou au renoncement, ces échecs devraient au contraire nous interpeller, et nous mobiliser. Le fait d’avoir surmonté des crises majeures qui auraient pu rompre l’unité nationale témoigne de la volonté de poursuivre ensemble le difficile chemin qui mène à la démocratie et au développement. Le fait de lutter sans relâche contre la pauvreté ambiante prouve la capacité d’innovation d’une population qui s’adapte peu à peu à la science et à la technique, à l’urbanisation et à la mondialisation. Le fait de se référer aux valeurs traditionnelles, même si elles sont trop souvent bafouées dans les faits, démontre l’attachement de tous à la particularité de notre identité.
Mais nous le savons, la tâche sera rude et longue. Il est difficile pour une société comme la nôtre de passer rapidement et sans mal d’une civilisation traditionnelle orale, hiérarchisée et agraire, à une civilisation moderne qui ne peut que devenir urbaine, égalitaire et technicienne. Alors, faisons en sorte que ce passage soit le plus rapide et le moins douloureux : cet objectif constitue le principal défi des décennies à venir. Seules l’adhésion et la participation de tous, sans arrière-pensées, permettra de le réussir dans les meilleures conditions.
Pour que ce défi puisse être relevé dans les 50 prochaines années. Et pour que les enfants d’aujourd’hui puissent célébrer le centenaire de l’indépendance malgache dans la concorde et la prospérité, que chacun prenne dès à présent toutes ses responsabilités ! L’avenir ne se construit pas dans l’attente d’un homme providentiel qui n’existera jamais. Il se construit avec des citoyens honnêtes et compétents, et des responsables dévoués au bien commun, respectueux des droits de chacun et sachant écouter une société civile vigilante.
journee-02-mars-2009-2-002-17h.jpgDepuis bientôt dix ans, le SeFaFi s’est efforcé de tenir ce rôle de vigilance. Un quotidien de la place, plutôt favorable à Marc Ravalomanana, a écrit récemment que si ce dernier avait tenu compte de ses mises en garde, il serait encore au pouvoir. Cet échec est autant celui de la société civile, qui n’a pas suffisamment joué son rôle, que celui de dirigeants prisonniers de leurs ambitions et de leurs certitudes.
Les responsabilités du passé sont celles de tous, les espérances de l’avenir sont à assumer par tous. Aussi faut-il nous interroger, en ce temps de célébration. Nous sentons-nous toujours partie prenante d’un destin commun ? Prendre en compte l’intérêt national n’est pas incompatible avec son intérêt personnel ; mais il faut que chacun respecte la loi, qui doit donner une chance égale à tous.
Enfin et surtout, sommes-nous conscients des structures d’inégalité et d’exclusion, dont la rigidité incite les uns à la révolte et les autres à la haine ? Au seuil du nouveau cinquantenaire qui s’ouvre à nous, le SeFaFi souhaite à Madagascar et à tous les Malgaches sans exception, de s’unir dans des responsabilités partagées, dans un travail discipliné et dans un vivre ensemble harmonieux.
Antananarivo, le 7 juin 2010

 
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